Un cliché, X-histoires...

Comme tous les jours, à midi pétante, Augustine est sortie de son lugubre manoir, s'est avancée face à la grille du domaine derrière laquelle un petit chemin serpente tranquille jusqu'au village d'en bas, et s'y est arrêtée.

Augustine n'a pas perdu les clés de la grille, Augustine pourrait déverrouiller la serrure, soulever la lourde porte et s'élancer sur ce petit chemin dallé qui descend jusqu'au village tout proche. Pourtant, montée sur ses hauts talons, dans sa robe longue et son chignon soigné, elle ne bouge pas. Elle est parfaitement immobile, même son regard est fixe. Il est midi pétante et Augustine s'est avancée jusqu'à la grille.

A midi quinze, Augustine est toujours plantée devant la grille derrière laquelle serpente un petit chemin qui descend, lent, jusqu'au village tout proche. A cette heure précise, soudain, la poitrine d'Augustine se gonfle, sa tête, légèrement, sur la droite bascule et ses petits yeux ridés se froissent, un petit sourire apparaît sur ses lèvres fines. C'est alors que sans hâte et avec une grâce qui n'appartient qu'à elle, Augustine se détourne de la grille du domaine, du petit chemin qui descend jusqu'au village, et toujours aussi souriante remonte jusqu'au manoir, pénètre dans le hall, tapote en fredonnant, le ventre rond de la pendule dans l'entrée qui s'est arrêtée sur midi *, "ce n'est rien, tu le sais bien, le temps passe**" dit-elle. Les jupes d'Augustine tournoient autour de son corps gracile, toujours aussi beau malgré l'âge, tandis qu'elle ajoute dans un éclat de rire : "Garde le sourire, plus rien n'est grave tant qu'il nous reste une seconde de souvenir dans le crâne***".

Demain, à midi pétante, il faudra qu'Augustine redescende jusqu'à la grille du manoir afin de s'en souvenir.


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*ça s'en va et ça revient , Claude François

**ce n'est rien, Julien Clerc

***trop beau, Lomepal