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La météo fut calme en cette saison d'automne. Les grosses chaleurs avaient laissé place à un vent frais & un ciel relativement tranquille. Le travail a repris dans l'exploitation, le temps est venu de ratisser la terre & de préparer les arbres à l'arrivée de l'hiver. Malgré l'hécatombe de la saison dernière il reste suffisamment de plants pour assurer à la famille des réserves salutaires.
Cependant, contrairement à l'horizon, celui de la famille Labra était bien plus tumultueux. En effet Louis continuait de ne pas être raisonnable ... et les conséquences de son irresponsabilité n'allaient pas tarder à s'abattre sur la famille toute entière... La surprise serait de taille & affectera jusqu'au dernier membre porteur du nom ...
Tout avait commencé la saison précédente, Louis s'était rapidement rapproché d'Olivia fille de postière d'une banalité navrante. Ce qui au début ne semblait de loin que d'aimables discussions a vite évolué en quelque chose de beaucoup plus inconvenant ... On parla de baisers volés, de caresses en public sur un banc ou par delà un mur ; tout un scandale qui ne plaisait pas du tout & Rayise s'inquiétait de la réaction de son mari si il avait vent des racontars qui circulaient au village. Certains ragots allaient même plus loin, allant jusqu'à commérer que les jeunes gens " passaient à l'acte " très régulièrement et sans être mariés de surcroît !!!
Jamil n'était pas du genre tolérant, porté sur le nom de la famille & l'honneur qu'il était, sa colère promettait d'être spectaculaire quand il saurait. Mais la pauvre mère n'avait pas le choix, en tant que patriarche seul son mari avait pouvoir de décision concernant cette délicate affaire. Surtout que " l'amourette " de son fils venait de prendre un tournant inattendu & inquiétant ...
Et c'est avec la boule au ventre que Rayise se dirigea un soir vers le jeu d'échecs du salon afin de s'entretenir avec lui ; où Jamil était en train de tester sa nouvelle stratégie. Il fallut tout son courage de mère & de matriarche pour informer son mari de la situation ....
Son mari était vraiment à mille lieux de se douter de cette nouvelle qui lui tomba sur les bras. Quoi ? Comment ? Il suffoquait, n'en croyait pas ses oreilles ... Olivia, la vulgaire petite pincette de son fils, était grosse ! Cette fille déclassée ! Sans fortune ! Sans dot ! Ah ça non ! Et hors de lui, il passa avec fureur devant sa femme pâle & tremblante et sortit hors de la pièce en claquant la porte. Où se cachait cet affront ? ce déshonneur ? Sa colère n'avait plus de limites ...
En haut, les jumeaux eurent le bon ton de rester dans leur chambre tandis que Louis, résigné avait bien compris que son père n'accepterait pas la situation. Et il se sentait sans forces face à cet homme qui brisait les volontés les plus dures ; il l'avait bien vu avec ses 2 sœurs, brisées comme une paille par le patriarche qui tenait à sa dignité avant même le bonheur de sa famille. Il avait beau essayer de s'exciter à la lutte il se sentait sans courage. Pourtant il le fallait et la perspective d'épouser Olivia, qui n'était pour lui qu'un jeu, qu'une expérience, ne le réjouissait pas cependant il savait qu'il n'aurait pas le choix. La grossesse de la jeune femme était voyante et les rumeurs acerbes ... un enfant hors mariage ! quelle ignominie ! quelle débauche !
Quelques jours plus tard, le mariage fût expédié en toute hâte afin de couper court aux ragots. Les convenances prenaient cette fois le pas sur l'amour. Ainsi l'abandon fut complet, toute la famille s'acharna sur " la débauchée " afin de la vêtir d'une robe blanche pour ensuite l'envoyer avec rapidité sur le tapis rouge molletonné. Sa famille l'avait renié & elle qui espérait faire un mariage heureux et entrer dans une famille chaleureuse avait tout d'un coup bien froid. Mais elle ne disait rien, laissant les mains de sa belle-mère & de ses belles sœurs arranger ses cheveux sauvages qui faisaient jaser autant que sa conduite ; contemplant le vide devant elle, ne songeant à rien, pas même à ce petit être qui poussait en elle.
Mais à l'intérieur le chagrin forçait pour sortir, les sanglots étaient retenus car il fallait faire bonne figure. Sauver les apparences, malgré l'émotion qui la submergeait. Le " oui " qu'elle prononça fut si bas et timide qu'elle dut le répéter pour qu'on officialise. Et ce ne fût que bien plus tard, livrée aux affres de sa nuit de noces, que le flot de larmes d'Olivia perça, en torrent inarrêtable. Elle pleura longtemps, ivre de tristesse et de regrets.
Cette cérémonie précipitée fut l'occasion pour nos protagonistes de revoir leurs filles & de faire connaissance avec leurs premiers petits-enfants. Jamil était très fier de ses filles ; le devoir était accompli & même si le nom Labra ne traverserait pas les siècles par eux (car conformément à la tradition, ils portent le nom du père) le patriarche était tout de même très content. Il s'égayait, au milieu des petits, rajeuni lui même de cette innocence et de cette fraîcheur qui tournaient autour de sa chaise.
Voici Marcel, le fils de Marie & Yann , petit bambin espiègle et bruyant qui était très proche de son cousin Georges, lui aussi espiègle & d'un beau blond doré comme les blés. Mais cet agréable moment n'était qu'un passe-temps dans le combat introspectif qu'il menait. La passation de pouvoir de son affaire occupait continuellement son esprit. Pierre & Joseph étaient bientôt mâtures la question devenait vraiment sérieuse. Ces derniers venaient justement de fêter leurs anniversaires ; faisant ainsi leurs entrées dans le monde des hommes.
Jamil se creusait la tête dans tous les sens, que faire ? Qui choisir ?
- Louis ? Malgré ce désagréable contretemps, restait sérieux et droit en affaires. Pas de sentiments dans le commerce, que des chiffres. Il était capable donc tout était encore possible. Et techniquement il avait le droit d'aînesse...
- Pierre ? Il semblait être le plus sérieux & le plus responsable ; petit génie depuis sa naissance il aimait également la musique ; être bercé par les belles mélodies au piano de sa mère durant toute sa vie a du y contribuer. Il adorait aussi les animaux ; d'ailleurs pour le récompenser de ses bons résultats le patriarche lui avait choisi un petit chat : Sahel dont il s'occupait fort bien. Mais ce côté sentimentaliste faisait s'inquiéter le doyen, pour qui les affaires sont une chose, les sentiments une autre ...
- Joseph ? Lui était décidément le vilain petit canard .. Très intelligent certes & grand lecteur (un vrai rat de bibliothèque !) il était également très soigné. Bien élevé, responsable il pouvait aussi faire un bon candidat si sa tendance à la gloutonnerie ne mécontentait pas son père. La bonne tenue étant des valeurs élémentaires & l'attitude du dernier froissait l'égo traditionnaliste du vieil homme.
Vraiment, cette histoire d'héritage était bien compliquée. Entre le désordre fait par son aîné & la relative passivité des jumeaux à la limite de la résignation, aucun des 3 n'ayant manifesté l'envie formelle de prendre la suite ; il fallait pourtant trancher. Et vite ....
En effet, il ne saurait être dit que le temps n'est pas compté pour le vénérable de la famille. Son coeur fatiguait de plus en plus, le vieil homme s'entêtait à travailler malgré son âge avancé et il compensait son labeur par de longues siestes & vient le jour où il ne se réveilla pas ...
La famille plongea alors dans la douleur du deuil tandis que sur la table de nuit, comme une dernière volonté avant le grand voyage, Jamil avait laissé une feuille de papier avec un nom ... celui de l'héritier ....
À vous de choisir l'héritier pour la G2 ! B)
