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Printemps 1900 - Les derniers moments de paix



Les beaux jours reprenaient enfin leur place après un hiver tenace aussi riche en événements qu'en tempêtes. Le vent balayait agréablement les arbres qui peu à peu retrouvaient leur verdure & le soleil encore timide glissait parfois un rayon entre deux monceaux de nuages.

La vie s'écoulait tranquillement pour la famille Labra et tout le monde n'avait d'yeux que pour la naissance prochaine du bébé d'Elizabeth. Le sujet était sur toutes les lèvres, on complimentait la future mère quand elle descendait au village faire des achats. On la trouvait rayonnante & surtout bien chanceuse d'avoir pu faire son entrée dans le "grand monde" ... Le divorce de Louis était passé totalement inaperçu ; bien que ce soit un fait rare pour l'époque tout le monde comprenait en un seul regard pourquoi il avait préféré la belle blonde & certains même approuvaient discrètement d'un hochement de tête. On leur souhaitait plein de bonheur, le mariage n'était pas encore fixé mais ce n'était aux yeux de tous qu'une formalité tellement les deux amoureux semblaient unis & complémentaires.

La grossesse se passait bien & même si Louis avait déjà eu deux fils (Olivia ayant donné naissance à un petit René juste avant sa disparition) la venue du troisième ne faisait aucun doute. Et dans le pire des cas, même si c'était une fille, cet enfant la était un enfant de l'amour et désiré. Louis n'avait donc aucun regret, sa conscience était en paix.



Il avait d'ailleurs fini par railler les deux petits à sa cause, Elisabeth les avait officiellement adopté et Louis se chargeait sans problème ni regrets de leur enfoncer dans le crâne que leur mère les avait abandonnées, qu'elle était mauvaise, qu'elle faisait honte à tout le monde. Le modelage de leurs esprits fut facile vu le jeune âge de Jean, quant à René il était bébé il n'avait donc pas de véritable souvenir. Élisabeth pris rapidement la place vacante dans leurs cœurs & c'est sans questions que les 2 enfants l'appelaient "maman".

Le corps d'Olivia fut retrouvé quelques jours plus tard, flottant dans la rivière d'un village voisin. Accident ou noyade car trop honteuse on ne sut jamais réellement la réponse. Cependant personne ne se permis une remarque plus haute que l'autre et tout le monde s'accorda à dire qu'elle était une victime de l'amour. C'est ainsi que s'effaça le dernier lien qui unissait la famille Labra à cette affaire.

Le travail avait repris, épouses et mères s'occupaient des enfants et par un clair-matin de soleil Elizabeth donna naissance à un garçon : Charles. Le bébé était en pleine santé et l'accouchement fut sans difficulté. Il fut décidé que les deux petits seraient installés dans la même chambre ayant peu de différences d'âge, on les ferait également passer pour des faux jumeaux et qu'ils seraient élevés ensemble.



L'ambiance au domaine était légère, paisible, la tension avait disparu et c'est avec allégresse que Jean feta son anniversaire. Il devint un enfant sociable, amoureux des chiens et amateurs de musique classique. Son père le poussa de suite à se faire un maximum de relations afin de préparer son futur. Le jeune garçon, sage comme une image, ne protestait pas, ne posait aucune question et pourtant au fond de lui une vague ombre remuait, un vieux souvenirs enfoui, presque effacé ; une silhouette difforme qui pourtant lui été terriblement familière sans qu'il arrive à se rappeler pourquoi.

Mais le moment n'était pas aux questions, le "monde des grands" allait bientôt être frappé de terribles évènements qui marqueraient à jamais l'histoire de la famille & l'histoire avec un grand H. Depuis longtemps, le pays était en conflit avec la nation voisine ; les rapports étaient froids mais cordiaux or il se racontait que depuis quelques temps les choses s'envenimaient .... Bien sûr on ne pensait pas que cela allait affecter un si petit village ; même si on était patriotes on ne voulait pas se battre - défendre son bien à la limite - mais pas aller au devant des ennuis.
Cependant dans les hauts cercles des affaires & politiques une ombre engendra une rumeur, murmure d'une peur sans nom ...

Louis avait obtenu d'ailleurs une promotion ; il fut nommé directeur de fonds comme son père autrefois. L'émotion était grande, de savoir atteint le même palier professionnel que ce patriarche tant respecté. L'argent n'était plus un souci ; le chef de famille savait maintenant prendre soin de sa mère, de son épouse & de ses enfants.





Les petits derniers de leur côté étaient devenus de simples joyeux bambins (angélique pour René & pot de colle pour Charles), il n'était pas rare de les entendre rire aux éclats & babiller avec enthousiasme. Ils étaient fusionnels malgré leur différence physique si marquante ; adorant se faire des câlins & courir partout ; pourtant on pouvait s'étonner .. étaient ils vraiment frères ce garçon brun à la peau mate & ce chétif enfant blond si pâlot ? Pour les non au courant de l'histoire un sourcil perplexe pouvait se dresser ; quand à ceux qui savaient ils se disaient qu'au fond chacun était bien maître de sa destinée. Bien sûr jamais ces réflexions n'étaient formulés en face de la famille ; riche & influente elle pouvait écraser comme une paille quiconque lui manquait de respect. Mais avec la croissance les différences s'accentuaient & on se demandait quelle serait l'entrée dans le monde de ces deux enfants là.

Élisabeth, malgré l'ambiguïté de sa condition, continuait de les éduquer tous les deux, sans différences ni préférences. Elle se trouva une alliée dans cette tâche en la personne de Rayise qui avait été elle aussi conquise par cette nouvelle bru. Les deux femmes s'entendaient très bien & surtout la matriarche voyait bien que son fils était épanoui. Et c'est tout ce qu'elle souhaitait. Malgré sa grande forme, elle sentait le poids de l'âge sur ses épaules & elle se disait qu'elle aurait souhaité que son fils trouve le bonheur avant son départ. C'était maintenant chose faite.