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9 years ago
Chapitre 12
Une fois arrivée, je fonçai direct sur Zoé qui était en train de jeter un regard dubitatif à l'écran de la machine.
"Zoé !!!!
- Qu'est-ce qui t'arrives ma Chloé ? T'as l'air toute excitée !
- Je suis enceinte, Zoé ! Enceinte !!!
- Hein ????? T'es sérieuse ? De ce gros balourd de Raj Rasoya ????"
À ces mots, ma propre joie se refroidit quelque peu.
"Oui...
- Bah qu'est-ce qui t'arrives ? Ça va déjà pas bien entre vous deux ou quoi ?
- Non ! Non ! Enfin... si...
- Qu'est-ce qu'il a fichu encore çui-là !!! Tu vas voir, si je le croise... !!!!
- Non, c'est pas lui... C'est juste moi...
- Ça peut pas venir que de toi, quand même ! Il a bien dû faire un truc !
- Il n'a rien fait ! C'est moi qui... Oh, je suis perdue, Zoé ! Je ne sais plus ce que je dois faire !"
J'avais essayé tant bien que mal de retenir les larmes qui commençaient à perler au coin de mes yeux mais, n'y tenant plu, j'avais éclaté en sanglots.
"Hey, là ! Ça va aller, miss ! Pleure plus maintenant ! J'suis sûre que c'est juste ce bout de chou qui te rend nerveuse ! Et puis, tu sais, Chloé, quoi que tu décides, je serai avec toi ! Personne ne t'en voudra, je t'assure ! Et puis s'ils t'en veulent, je les réduirais en bouillie !!!!
- Merci Zoé, t'es une super amie !
- Bah, j'ai rien fait, moi !
- Mais y'a le bébé... Je dois penser à lui, aussi...Je ne veux pas le priver de sa famille !
- Sa famille, c'est toi, Chloé ! Penses-y aussi ! Si tu es malheureuse, il le verra ! Surtout, ne t'obliges pas à rester !
- Oui... Peut-être..."
Je m'éloignai tandis que Zoé reprenait son travail. Au même instant, j'aperçus Nicolas. La première chose qui me frappa fut la nouvelle couleur dans ses cheveux. D'un pas hésitant, je m'approchai et lançai :
"Salut Nicolas... Tu as fait quelque chose à tes cheveux, non ?, murmurai-je timidement.
- Ah euh oui...", répondit-il sans tourner les yeux vers moi. Je tentai de ne rien laisser paraître, de ne pas me laisser aller comme la dernière fois mais la peine me meurtrissait tout autant le cœur.
- C'est cool... Ça fait plus toi...", soufflai-je en me souvenant brusquement des paroles de Gaël lorsqu'il m'avait vue, en vert des pieds à la tête. Nicolas tourna la tête, l'air surpris. Il aperçut alors la petite bosse sur mon ventre.
- Oh... Je vois que tu attends un heureux événement...
- Oui ! C'est formi..." Je m'arrêtais de parler aussi soudainement que si un rocher venait de m'assommer. Son regard sur mon ventre était sombre. Mais plus que ça, il y avait une véritable détresse dans son regard. "Ton regard...C'est comme si tu plongeais brusquement dans une abîme sans fond dont rien ne peut te retirer...", me rappelai-je tout-à-coup. C'était Gaël qui les avait prononcés. Cette expression collait parfaitement au regard de Nicolas en cet instant-là. Je me demandai alors à quoi il pouvait bien songer. Qu'est-ce qui pouvait le ronger autant que moi ?
Pensées de Nicolas
C'était il y a seize ans, maintenant. Nous étions jeune, alors. Tout juste bachelier pour ma part, elle déjà, si haut, si loin, si brillante...Nous nous aimions. Je le pensais du moins.
Je la vis, de dos, devant notre maison. Je ne comprenais pourquoi elle ne se décidait pas à entrer. La raison m'en était cachée. Je ne parvenais pas à voir l'expression de son visage non plus mais je me souviens d'avoir eu l'impression étrange qu'elle pleurait.
"Céline ?", appelai-je une première fois.
Seul le silence me répondit. Je sortis hâtivement, la saisit brusquement dans mes bras pour l'embrasser. Il y avait une bosse sur son ventre. Une toute petite bosse que je ne remarquai pas au premier abord.
Elle me mordit férocement la lèvre et se recula vivement. Désarçonné, je ne compris pas tout de suite. Puis je le vis, ce petit ventre rond qui bouleversa à tout jamais ma vie. Ému, je restai un moment silencieux avant de balbutier :
"Chérie... Tu...
- Ne me touches pas ! Ne m'approche jamais plus de toute ta vie, tu m'entends ?
- Quoi mais qu'est-ce que...?
- Tu le vois, hein, tu le vois, pas vrai ? T'es fier de toi, c'est ça ? Tu as ruiné ma vie !!! Mais tu t'en fiches pas vrai ? Tu ne vois que ton petit nombril !!! Tu veux que je te dise moi, t'es qu'un égoïste et t'es sacrément gonflé de me regarder avec cet air ahuri !
- Je ne comprends pas...
- Ah ouais, tu comprends pas !! J'vais te le dire moi ! Ton fichu gamin, il va naître pile dans la période de mes exam's ! À cause de toi... À cause de toi, j'aurais jamais ce boulot, tu comprends ? Ils allaient me prendre... J'allais enfin obtenir ce travail pour lequel j'ai travaillé tellement dur...
Mais ils viennent de me rappeler... Ils ont trouvé quelqu'un d'autre... À cause de ton sale gamin ! À cause de lui ! À cause de toi ! J'aurais tellement aimé ne jamais t'avoir rencontré ! Tu peux pas savoir à quel point...Pourquoi il a fallu que t'arrives dans ma vie ? Pourquoi ?"
Ses mots, aussi tranchants que la lame la plus aiguisée. Avait-elle oublié ? Déjà tout oublié de ce qu'elle était avant de me rencontrer ? Une pauvre épave perdue qui s'était raccrochée à moi... Mais depuis un moment déjà, cette épave-là, avait disparue. Ma si douce Céline était morte. Elle avait raison, c'était de ma faute. Quand avait disparu la jeune fille solitaire seule à sa table dans un parc désert ? Quand était-elle partie, cette fille au sourire si doux ? Quand son ambition démesurée avait surpassé ses rêves ? Quand avait-elle cessé de simplement goûté au plaisir d'une partie d'échec sous un soleil étincelant ? Elle ne voulait toujours plus. Elle avait perdu sa passion des sciences. Maintenant, plus rien ne comptait pour elle qu'obtenir ce poste tant désiré dans le célèbre laboratoire de Simcity.
"Chérie, je sais à quel point, c'était important pour toi mais...
- Non ! Non, tu ne le sais pas ! Tu n'en as pas la moindre idée ! Mes parents se moquaient de moi ! Ils diraient qu'une fille comme moi n'irait jamais loin dans la vie ! Moi, je voulais tellement leur prouver que je valais quelque chose... Leur prouver à tous ! Tu ne sais pas tout le chemin que j'ai parcouru... Je voulais leur prouver... leur prouver que je valais mieux que cette fille...me le prouver à moi-même...
- De qui parles-tu ?
- Rien. Tu ne comprendrais pas...
- Si, je peux comprendre !
- Non, tu ne le peux pas ! Personne ne le peut !
- Écoute-moi, maintenant ! Ça ne sert à rien de ruminer tout ça ! Pense à nous ! Pense à ce bébé ! Nous allons former une famille ! Tu trouveras un autre poste formidable, tu le sais !
- Non, je suis désolée. Nous n'allons pas former une famille. Parce que je ne t'aime pas, Nicolas.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es devenue folle ?
- Non !!!! Non, je ne suis pas folle !!! Je ne t'aime pas d'accord ! Je ne sais même pas pourquoi je suis venue ici !!! Je ne t'aime pas ! Je te déteste !
Je ne t'ai jamais aimé Nicolas !"
"C'est vrai ? Je t'en prie, dis-moi la vérité ! Ne me mens pas !
- Tu étais gentil. Tu l'as toujours été. Je n'ai jamais compris pourquoi tu m'avais choisie. C'est vrai, j'appréciais ces moments passés avec toi. J'étais heureuse le jour où tu m'as adressée la parole. Oui, c'est vrai, j'étais même super contente, je le reconnais ! Oui, oui, oui, je l'avoue, tu m'as rendue super heureuse et tous ces moments avec toi, j'en garderais sûrement un très bon souvenir ! Tu m'as donné tout ton amour et je t'en suis reconnaissante. Je croyais que je pourrais changer grâce à toi... Mais finalement, j'ai échoué. C'est pas de ta faute. Celle que tu vois aujourd'hui, c'est celle que j'ai toujours été avant...Oui, je suis égoïste, oui, j'ai pleins de défauts. Je suinte les défauts ! Mais tu vois, moi, je suis incapable d'être moi...Tu sais, ces habits verts, ces cheveux verts, ce visage, tout ça, ce n'est pas moi... Je voulais lui ressembler. À cette fille. J'ai tout fait pour lui ressembler. Elle était tellement jolie, tellement souriante. Elle était tout ce que je n'étais pas. Je n'ai pas réussi à tourner la page... Elle sortait avec le garçon que j'aimais... Ils étaient tellement beaux, tous les deux. Tout le monde disait qu'ils allaient bien ensemble... Moi, je voulais lui montrer à cette fille de riche que tout n'allait pas toujours comme on le voulait dans la vie, qu'elle était juste une pimbêche un peu plus jolie que les autres... Alors, je sais que je lui ai fait de la peine. Il s'est mis à me détester. Moi, je voulais juste être un peu plus jolie... Je voulais juste qu'il me voie...Je suis désolée, Nicolas. Je crois que je ne sais que blesser les gens. Merci pour tout ce que tu m'as donné. Merci pour ton amour. Merci beaucoup. Finalement, peut-être que j'étais amoureuse de toi, au fond... C'est un peu tard maintenant pour m'en rendre compte...
- Il n'est pas trop tard ! Ce n'est jamais trop tard !
- Au revoir, Nicolas.
- Attends !"
Pourtant, je la laissai partir. Je ne tentai pas de la rattraper. Peut-être que si je l'avais fait, tout aurait été différent ? Peut-être aussi que je savais déjà que tout était terminé, pour toujours. Ce jour-là, je l'ai regardée partir, sans un mot. Ce n'est qu'après, bien après, que j'ai pleuré. Elle partit comme elle était arrivée, un beau jour, sous le soleil. Je ne devais la revoir qu'un an plus tard, une petit bambine dans les bras. Elle la laissa devant la porte puis partit dans une belle voiture rutilante. Il y avait un autre homme au volant. Elle l'épousa un peu plus tard. C'était grâce à lui qu'elle était devenue mannequin. Lui, avait réussi à lui faire réaliser un rêve, même si ce n'était déjà plus le même.
Retour dans la blouse de Chloé
"Pourquoi n'es-tu pas venu ?
- Hmm ?
- Je disais pourquoi n'es-tu pas venu ??? Pour mon mariage !
- Oh...
- Comment ça "Oh" !
- Je suis désolé, mais je ne pouvais pas y être.
- C'est tout ?
- Oui, c'est tout. Que veux-tu que je dise d'autre ? Je m'excuse... Ça devait être magnifique.
- Ça l'était. J'aurais voulu que tu viennes, seulement.
- Désolé.
- Mais visiblement, ça ne faisait pas partie de tes priorités.
- Comment bien de fois dois-je te répéter que je m'excuse, Chloé ?
- Et pourquoi ne veux-tu pas me donner de raisons valable ? Je compte si peu que ça dans ta vie d'homme affairé ?
- Je n'ai jamais dit ça !
- Non, en effet, tu ne l'as pas dit. Au revoir, cher monsieur, je ne vous dérange pas plus longtemps !
- Chloé !"
J'aurais juste voulu qu'il me dise quelque chose, même fausse... Oh et puis non, j'aurais juste voulu qu'il vienne ! J'aurais voulu... Je ne savais pas, je ne savais plus. Qu'est-ce que je voulais vraiment ? Chloé, qu'est-ce que tu veux, bon sang ? Pourquoi fallait-il toujours que je me comporte comme une la plus imbécile des gamines quand je parlais avec Nicolas ? J'avais toujours l'impression d'attendre un mot, un pas qui ne venait pas, me laissant dans une frustration d'autant plus grande que je ne parvenais pas à savoir ce que je souhaitais vraiment et avais l'impression de me comporter comme une petite fille de six mois qui essaie de faire comprendre par la force de son regard qu'elle veut à manger sans savoir poser les mots sur ce qu'elle désire. Dépitée, je me réfugiai dans ma faim de femme enceinte en mordant à pleines dents dans un gâteau tout juste sorti du micro-ondes.
"Qu'eeeeeeeest-ce qui s'est encoooore passé avec Sasaki ???
- Hein quoi ? Mais rien du tout, voyons ?
- Menteuse ! Il vient juste de me passer le rapport qu'il devait rendre il y a trois jours, il était pas complet, bourré de fautes et il avait l'air- Sasaki, hein, pas le rapport- complètement déboussolé ! C'est pas son genre !
- Pourquoi ce serait de ma faute ?
- C'est forcément de ta faute ! J'suis pas totalement stupide non plus ! Et puis j'ai remarqué que toutes ses fautes professionnelles venaient tout le temps de toi ! Je sais pas si tu te souviens du jour où il t'a "sauvée" des flammes ?
- Oui, et alors ?
- Il t'a couverte et il s'est fait remonter les bretelles à ta place ! Il se serait fait renvoyé si on l'avait pas soutenu... Et puis, il t'a payé ton nouvel uniforme... Normalement, c'est l'employé en faute qui doit le repayer. Mais c'est pas tout ! Maintenant, il est obligé quasiment tous les jours de faire des heures supp' ! Quand t'es au labo en même temps que lui, tous ses rapports, dossiers, etc, sont à refaire !
- Vraiment ?"
"Chloé...
- Quoi ?
- Sasaki et toi...
- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?
- Non , rien, oublie... C'est plus marrant de vous voir patauger !
- Hein ? Mais dis- le moi Zoé !
- Mais non, je me suis sûrement trompée ! Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai du boulot... et toi-aussi !"
En effet, il fallait que je rattrape un peu le temps perdu. Mais ce jour-là, je ne parvins pas à me concentrer suffisamment. Je songeai trop à ma dispute avec Nicolas et aux paroles de Zoé... J'observai celui-ci du coin de l'œil sans parvenir à me souvenir de l'expérience que je souhaitai réaliser. Je renonçai finalement assez rapidement pour aller retrouver ma bonne amie, MARLI.
"Félicitations, miss Chloé !
- Hein ? De quoi parles-tu ?
- Pour votre mariage ! Et votre futur enfant !
- Oh, oui ! Merci beaucoup !
- As-tu eu l'occasion de parler avec ton collègue comme je te l'avais conseillé ?
- Ah... oui... Mais, enfin, on ne peut pas dire que cela aie vraiment fonctionné...
- Ah bon ? Vous vous êtes disputés ?
- Euh... Oui... Peut-être... Je ne sais pas... Enfin, tant pis, travaillons plutôt !
- Comme tu le souhaites, Chloé..."
Je travaillai mieux avec ma fidèle MARLI à mes côtés. Lorsque je rêvassai ou me perdait en des conjectures infinies, elle me rappelai à l'ordre, m'empêchant de m'obstiner dans de sombres pensées. Je réussis même à oublier un peu mes soucis pour me consacrer, corps et âme dans mon travail. J'avais presque oublié comme ce métier le fascinait, perdue comme je l'étais en ce qui concernait ma vie privée... Et MARLI était toujours aussi surprenante par son intelligence presque humaine qui faisaient d'elle une véritable amie.
Ma journée de travail s'acheva enfin, tant bien que mal. Je regagnai donc "mon" appartement que je ne parvenais toujours pas vraiment à nommer comme tel. Au moment de sortir de l'ascenseur, je percutai une jeune fille qui sursauta aussitôt et s'exclama :
"Oh ! Excusez-moi ! J'étais dans la lune !
- Non, c'est moi !"
Elle eut un premier regard vers mon ventre et parut paniquée.
"Oh, je suis vraiment désolée, madame ! Si j'étais un peu moins étourdie ! Tout va bien, vous êtes sûre ?
- Mais oui, ne vous en faites pas !"
Alors seulement, elle releva la tête. Je lui souris le plus aimablement possible mais son propre sourire se figea.
"Vous !
- Pardon ? Est-ce que par hasard, nous nous connaîtrions ?
- Qu'est-ce que vous fichez ici ? Vous nous suivez, c'est ça ?
- Hein ? Quoi ? Mais pas du tout ! Je ne vous connais même pas !
- Ne mentez pas ! Vous n'avez pas intérêt à approcher de nouveau mon père ou vous le regretterez !
- Mais qui êtes-vous à la fin ?
- Sasaki ! Amélie Sasaki ! Ça vous dit quelque chose, à présent ?
- Vous... Vous êtes la fille de Nicolas Sasaki ?
- Ne faites pas semblant !
- Ravie de vous rencontrer alors ! Je suis Chloé Berry, sa collègue !
- Chloé ? C'est vous ?
- Qui croyiez-vous que j'étais ?
- Non, c'est impossible ! Je... Je...Excusez-moi...Mais...Pourquoi Mon Dieu, pourquoi ?
- Quelque chose ne va pas ?
- T...Tout va très bien... Vous habitez ici ?
- Oui, juste là.
- Mais c'est chez M. et Mme Rasoya, non ?
- Oui, Raj Rasoya est mon mari...
- Vous êtes mariée ????, s'étrangla-t-elle. Ah oui... Donc, le bébé... Excusez-moi... Pardon, je suis indiscrète... Est-ce que... Est-ce que je pourrai passer vous voir ? Ah non, c'est idiot, oubliez, je vous dérangerai... Vous êtes mariée, vous attendez un enfant...Enfin, j'aurais quand même voulu... C'est tellement étrange cette ressemblance ! J'ai du mal à croire que vous soyez deux personnes différentes...
- Vous ne voulez pas entrer un moment pour discuter ? Je vous assure que ça ne me dérange pas !
- Non, non, je dois y aller... Peut-être un autre jour... Excusez-moi pour le dérangement !"
Et elle repartit immédiatement par l'ascenseur qui s'ouvrait au même instant, me laissant pour le moins abasourdie par cette drôle de rencontre...
Je n'eus toutefois pas le temps de réfléchir plus abondamment à l'étrangeté de cette conversation puisqu'un cri retentit presque aussitôt...
"Raj ?" Pas de réponse. Un peu affolée, je me précipitai dans l'appartement où m'attendait un spectacle que je reconnus aussitôt puisqu'il s'était produit il n'y avait même pas vingt-quatre heures...
Mais cette vision me saisit tout autant que la première fois. S'habitue-t-on jamais à la mort ? À la vision de ce corps inerte, aussi désarticulé qu'un pantin ? Non, on a beau se dire que cela va bientôt arriver, on a beau avoir déjà fait face, en rêve, ou réellement à cette situation, c'est toujours le même choc que la première fois. Il y a la disparition de l'être aimé, bien évidemment, mais ce n'était là pas mon cas puisque Mme Rasoya et moi n'avions jamais été proches d'une quelconque manière que ce soit. Je ne l'appréciais pas et c'était grandement réciproque, nous le savions. Mais il y avait autre chose qui horrifiait dans la mort. C'était son idée même. Qu'y avait-il de "l'autre côté" ? Est-ce qu'un jour, vraiment, on disparaîtrait tous totalement et ce serait comme si on avait jamais existé ? Et tous ces gens qui étaient partis avant nous, les retrouverait-on jamais ? Est-ce que tout ça aboutissait vraiment au néant ? Cet "au-delà" existait-il ou n'était-il qu'un mythe que nous avions créé dans notre crainte de partir, de perdre cette vie qui nous était si chère ? Je crus me sentir mal. Toute force semblait avoir quitté mon corps quand la mort était entrée dans la pièce, répandant sa sombre aura jusque dans les tréfonds de mon âme. De nouveau, Raj se précipita. Je n'y croyais pas, plus... Cette dame noire ne pouvait pas épargner sa victime par deux fois, impossible...Elle n'épargnait personne, juste quelques heures pour que l'espoir perdure mais elle était cette fatalité qui viendrait s'approcher de chacun de nous, au crépuscule de la vie pour nous faucher, invariablement, jeune ou vieux, petit ou grand, pauvre ou riche, nous étions égaux face à la mort.
Pourtant, Raj se jeta à ses pieds avec encore plus de ferveur que la première fois. J'avais envie de lui dire d'abandonner, de laisser sa mère en paix puisqu'elle mourrait, de toutes façons, qu'il le veuille ou non. Mais il semblait que sa seule vocation dans ce monde était sa mère : la sauver, la rendre fière. Elle était le centre de sa vie et au fond de moi, je savais que sa disparition entraînerait un grand vide que personne ne pourrait jamais combler. Aussi ne dis-je rien mais je n'en pensais pas moins. J'avais gardé l'espoir que, lorsque sa mère serait partie, Raj changerait, que peut-être ce Raj, je pourrais l'aimer. Mais à le voir ainsi, déterminé à sauver la moindre parcelle de vie dans ce vieux corps aspirant à la liberté, je pressentais déjà que tel ne serait pas le cas, qu'il s'attacherait à la mort d'une manière aussi déterminée qu'il s'était attachée à la vie. La Faucheuse, devant toute cette souffrance sembla prendre plaisir à faire durer les instants de la vieille femme, comme si elle souhaitait que le jour fatidique soit rendu plus fort, son attente plus anxieuse par tous ces revirements. Elle rendit donc la vie à une Mme Rasoya exténuée, pour la deuxième fois.
Une fois arrivée, je fonçai direct sur Zoé qui était en train de jeter un regard dubitatif à l'écran de la machine.
"Zoé !!!!
- Qu'est-ce qui t'arrives ma Chloé ? T'as l'air toute excitée !
- Je suis enceinte, Zoé ! Enceinte !!!
- Hein ????? T'es sérieuse ? De ce gros balourd de Raj Rasoya ????"
À ces mots, ma propre joie se refroidit quelque peu.
"Oui...
- Bah qu'est-ce qui t'arrives ? Ça va déjà pas bien entre vous deux ou quoi ?
- Non ! Non ! Enfin... si...
- Qu'est-ce qu'il a fichu encore çui-là !!! Tu vas voir, si je le croise... !!!!
- Non, c'est pas lui... C'est juste moi...
- Ça peut pas venir que de toi, quand même ! Il a bien dû faire un truc !
- Il n'a rien fait ! C'est moi qui... Oh, je suis perdue, Zoé ! Je ne sais plus ce que je dois faire !"
J'avais essayé tant bien que mal de retenir les larmes qui commençaient à perler au coin de mes yeux mais, n'y tenant plu, j'avais éclaté en sanglots.
"Hey, là ! Ça va aller, miss ! Pleure plus maintenant ! J'suis sûre que c'est juste ce bout de chou qui te rend nerveuse ! Et puis, tu sais, Chloé, quoi que tu décides, je serai avec toi ! Personne ne t'en voudra, je t'assure ! Et puis s'ils t'en veulent, je les réduirais en bouillie !!!!
- Merci Zoé, t'es une super amie !
- Bah, j'ai rien fait, moi !
- Mais y'a le bébé... Je dois penser à lui, aussi...Je ne veux pas le priver de sa famille !
- Sa famille, c'est toi, Chloé ! Penses-y aussi ! Si tu es malheureuse, il le verra ! Surtout, ne t'obliges pas à rester !
- Oui... Peut-être..."
Je m'éloignai tandis que Zoé reprenait son travail. Au même instant, j'aperçus Nicolas. La première chose qui me frappa fut la nouvelle couleur dans ses cheveux. D'un pas hésitant, je m'approchai et lançai :
"Salut Nicolas... Tu as fait quelque chose à tes cheveux, non ?, murmurai-je timidement.
- Ah euh oui...", répondit-il sans tourner les yeux vers moi. Je tentai de ne rien laisser paraître, de ne pas me laisser aller comme la dernière fois mais la peine me meurtrissait tout autant le cœur.
- C'est cool... Ça fait plus toi...", soufflai-je en me souvenant brusquement des paroles de Gaël lorsqu'il m'avait vue, en vert des pieds à la tête. Nicolas tourna la tête, l'air surpris. Il aperçut alors la petite bosse sur mon ventre.
- Oh... Je vois que tu attends un heureux événement...
- Oui ! C'est formi..." Je m'arrêtais de parler aussi soudainement que si un rocher venait de m'assommer. Son regard sur mon ventre était sombre. Mais plus que ça, il y avait une véritable détresse dans son regard. "Ton regard...C'est comme si tu plongeais brusquement dans une abîme sans fond dont rien ne peut te retirer...", me rappelai-je tout-à-coup. C'était Gaël qui les avait prononcés. Cette expression collait parfaitement au regard de Nicolas en cet instant-là. Je me demandai alors à quoi il pouvait bien songer. Qu'est-ce qui pouvait le ronger autant que moi ?
Pensées de Nicolas
C'était il y a seize ans, maintenant. Nous étions jeune, alors. Tout juste bachelier pour ma part, elle déjà, si haut, si loin, si brillante...Nous nous aimions. Je le pensais du moins.
Je la vis, de dos, devant notre maison. Je ne comprenais pourquoi elle ne se décidait pas à entrer. La raison m'en était cachée. Je ne parvenais pas à voir l'expression de son visage non plus mais je me souviens d'avoir eu l'impression étrange qu'elle pleurait.
"Céline ?", appelai-je une première fois.
Seul le silence me répondit. Je sortis hâtivement, la saisit brusquement dans mes bras pour l'embrasser. Il y avait une bosse sur son ventre. Une toute petite bosse que je ne remarquai pas au premier abord.
Elle me mordit férocement la lèvre et se recula vivement. Désarçonné, je ne compris pas tout de suite. Puis je le vis, ce petit ventre rond qui bouleversa à tout jamais ma vie. Ému, je restai un moment silencieux avant de balbutier :
"Chérie... Tu...
- Ne me touches pas ! Ne m'approche jamais plus de toute ta vie, tu m'entends ?
- Quoi mais qu'est-ce que...?
- Tu le vois, hein, tu le vois, pas vrai ? T'es fier de toi, c'est ça ? Tu as ruiné ma vie !!! Mais tu t'en fiches pas vrai ? Tu ne vois que ton petit nombril !!! Tu veux que je te dise moi, t'es qu'un égoïste et t'es sacrément gonflé de me regarder avec cet air ahuri !
- Je ne comprends pas...
- Ah ouais, tu comprends pas !! J'vais te le dire moi ! Ton fichu gamin, il va naître pile dans la période de mes exam's ! À cause de toi... À cause de toi, j'aurais jamais ce boulot, tu comprends ? Ils allaient me prendre... J'allais enfin obtenir ce travail pour lequel j'ai travaillé tellement dur...
Mais ils viennent de me rappeler... Ils ont trouvé quelqu'un d'autre... À cause de ton sale gamin ! À cause de lui ! À cause de toi ! J'aurais tellement aimé ne jamais t'avoir rencontré ! Tu peux pas savoir à quel point...Pourquoi il a fallu que t'arrives dans ma vie ? Pourquoi ?"
Ses mots, aussi tranchants que la lame la plus aiguisée. Avait-elle oublié ? Déjà tout oublié de ce qu'elle était avant de me rencontrer ? Une pauvre épave perdue qui s'était raccrochée à moi... Mais depuis un moment déjà, cette épave-là, avait disparue. Ma si douce Céline était morte. Elle avait raison, c'était de ma faute. Quand avait disparu la jeune fille solitaire seule à sa table dans un parc désert ? Quand était-elle partie, cette fille au sourire si doux ? Quand son ambition démesurée avait surpassé ses rêves ? Quand avait-elle cessé de simplement goûté au plaisir d'une partie d'échec sous un soleil étincelant ? Elle ne voulait toujours plus. Elle avait perdu sa passion des sciences. Maintenant, plus rien ne comptait pour elle qu'obtenir ce poste tant désiré dans le célèbre laboratoire de Simcity.
"Chérie, je sais à quel point, c'était important pour toi mais...
- Non ! Non, tu ne le sais pas ! Tu n'en as pas la moindre idée ! Mes parents se moquaient de moi ! Ils diraient qu'une fille comme moi n'irait jamais loin dans la vie ! Moi, je voulais tellement leur prouver que je valais quelque chose... Leur prouver à tous ! Tu ne sais pas tout le chemin que j'ai parcouru... Je voulais leur prouver... leur prouver que je valais mieux que cette fille...me le prouver à moi-même...
- De qui parles-tu ?
- Rien. Tu ne comprendrais pas...
- Si, je peux comprendre !
- Non, tu ne le peux pas ! Personne ne le peut !
- Écoute-moi, maintenant ! Ça ne sert à rien de ruminer tout ça ! Pense à nous ! Pense à ce bébé ! Nous allons former une famille ! Tu trouveras un autre poste formidable, tu le sais !
- Non, je suis désolée. Nous n'allons pas former une famille. Parce que je ne t'aime pas, Nicolas.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es devenue folle ?
- Non !!!! Non, je ne suis pas folle !!! Je ne t'aime pas d'accord ! Je ne sais même pas pourquoi je suis venue ici !!! Je ne t'aime pas ! Je te déteste !
Je ne t'ai jamais aimé Nicolas !"
"C'est vrai ? Je t'en prie, dis-moi la vérité ! Ne me mens pas !
- Tu étais gentil. Tu l'as toujours été. Je n'ai jamais compris pourquoi tu m'avais choisie. C'est vrai, j'appréciais ces moments passés avec toi. J'étais heureuse le jour où tu m'as adressée la parole. Oui, c'est vrai, j'étais même super contente, je le reconnais ! Oui, oui, oui, je l'avoue, tu m'as rendue super heureuse et tous ces moments avec toi, j'en garderais sûrement un très bon souvenir ! Tu m'as donné tout ton amour et je t'en suis reconnaissante. Je croyais que je pourrais changer grâce à toi... Mais finalement, j'ai échoué. C'est pas de ta faute. Celle que tu vois aujourd'hui, c'est celle que j'ai toujours été avant...Oui, je suis égoïste, oui, j'ai pleins de défauts. Je suinte les défauts ! Mais tu vois, moi, je suis incapable d'être moi...Tu sais, ces habits verts, ces cheveux verts, ce visage, tout ça, ce n'est pas moi... Je voulais lui ressembler. À cette fille. J'ai tout fait pour lui ressembler. Elle était tellement jolie, tellement souriante. Elle était tout ce que je n'étais pas. Je n'ai pas réussi à tourner la page... Elle sortait avec le garçon que j'aimais... Ils étaient tellement beaux, tous les deux. Tout le monde disait qu'ils allaient bien ensemble... Moi, je voulais lui montrer à cette fille de riche que tout n'allait pas toujours comme on le voulait dans la vie, qu'elle était juste une pimbêche un peu plus jolie que les autres... Alors, je sais que je lui ai fait de la peine. Il s'est mis à me détester. Moi, je voulais juste être un peu plus jolie... Je voulais juste qu'il me voie...Je suis désolée, Nicolas. Je crois que je ne sais que blesser les gens. Merci pour tout ce que tu m'as donné. Merci pour ton amour. Merci beaucoup. Finalement, peut-être que j'étais amoureuse de toi, au fond... C'est un peu tard maintenant pour m'en rendre compte...
- Il n'est pas trop tard ! Ce n'est jamais trop tard !
- Au revoir, Nicolas.
- Attends !"
Pourtant, je la laissai partir. Je ne tentai pas de la rattraper. Peut-être que si je l'avais fait, tout aurait été différent ? Peut-être aussi que je savais déjà que tout était terminé, pour toujours. Ce jour-là, je l'ai regardée partir, sans un mot. Ce n'est qu'après, bien après, que j'ai pleuré. Elle partit comme elle était arrivée, un beau jour, sous le soleil. Je ne devais la revoir qu'un an plus tard, une petit bambine dans les bras. Elle la laissa devant la porte puis partit dans une belle voiture rutilante. Il y avait un autre homme au volant. Elle l'épousa un peu plus tard. C'était grâce à lui qu'elle était devenue mannequin. Lui, avait réussi à lui faire réaliser un rêve, même si ce n'était déjà plus le même.
Retour dans la blouse de Chloé
"Pourquoi n'es-tu pas venu ?
- Hmm ?
- Je disais pourquoi n'es-tu pas venu ??? Pour mon mariage !
- Oh...
- Comment ça "Oh" !
- Je suis désolé, mais je ne pouvais pas y être.
- C'est tout ?
- Oui, c'est tout. Que veux-tu que je dise d'autre ? Je m'excuse... Ça devait être magnifique.
- Ça l'était. J'aurais voulu que tu viennes, seulement.
- Désolé.
- Mais visiblement, ça ne faisait pas partie de tes priorités.
- Comment bien de fois dois-je te répéter que je m'excuse, Chloé ?
- Et pourquoi ne veux-tu pas me donner de raisons valable ? Je compte si peu que ça dans ta vie d'homme affairé ?
- Je n'ai jamais dit ça !
- Non, en effet, tu ne l'as pas dit. Au revoir, cher monsieur, je ne vous dérange pas plus longtemps !
- Chloé !"
J'aurais juste voulu qu'il me dise quelque chose, même fausse... Oh et puis non, j'aurais juste voulu qu'il vienne ! J'aurais voulu... Je ne savais pas, je ne savais plus. Qu'est-ce que je voulais vraiment ? Chloé, qu'est-ce que tu veux, bon sang ? Pourquoi fallait-il toujours que je me comporte comme une la plus imbécile des gamines quand je parlais avec Nicolas ? J'avais toujours l'impression d'attendre un mot, un pas qui ne venait pas, me laissant dans une frustration d'autant plus grande que je ne parvenais pas à savoir ce que je souhaitais vraiment et avais l'impression de me comporter comme une petite fille de six mois qui essaie de faire comprendre par la force de son regard qu'elle veut à manger sans savoir poser les mots sur ce qu'elle désire. Dépitée, je me réfugiai dans ma faim de femme enceinte en mordant à pleines dents dans un gâteau tout juste sorti du micro-ondes.
"Qu'eeeeeeeest-ce qui s'est encoooore passé avec Sasaki ???
- Hein quoi ? Mais rien du tout, voyons ?
- Menteuse ! Il vient juste de me passer le rapport qu'il devait rendre il y a trois jours, il était pas complet, bourré de fautes et il avait l'air- Sasaki, hein, pas le rapport- complètement déboussolé ! C'est pas son genre !
- Pourquoi ce serait de ma faute ?
- C'est forcément de ta faute ! J'suis pas totalement stupide non plus ! Et puis j'ai remarqué que toutes ses fautes professionnelles venaient tout le temps de toi ! Je sais pas si tu te souviens du jour où il t'a "sauvée" des flammes ?
- Oui, et alors ?
- Il t'a couverte et il s'est fait remonter les bretelles à ta place ! Il se serait fait renvoyé si on l'avait pas soutenu... Et puis, il t'a payé ton nouvel uniforme... Normalement, c'est l'employé en faute qui doit le repayer. Mais c'est pas tout ! Maintenant, il est obligé quasiment tous les jours de faire des heures supp' ! Quand t'es au labo en même temps que lui, tous ses rapports, dossiers, etc, sont à refaire !
- Vraiment ?"
"Chloé...
- Quoi ?
- Sasaki et toi...
- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?
- Non , rien, oublie... C'est plus marrant de vous voir patauger !
- Hein ? Mais dis- le moi Zoé !
- Mais non, je me suis sûrement trompée ! Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai du boulot... et toi-aussi !"
En effet, il fallait que je rattrape un peu le temps perdu. Mais ce jour-là, je ne parvins pas à me concentrer suffisamment. Je songeai trop à ma dispute avec Nicolas et aux paroles de Zoé... J'observai celui-ci du coin de l'œil sans parvenir à me souvenir de l'expérience que je souhaitai réaliser. Je renonçai finalement assez rapidement pour aller retrouver ma bonne amie, MARLI.
"Félicitations, miss Chloé !
- Hein ? De quoi parles-tu ?
- Pour votre mariage ! Et votre futur enfant !
- Oh, oui ! Merci beaucoup !
- As-tu eu l'occasion de parler avec ton collègue comme je te l'avais conseillé ?
- Ah... oui... Mais, enfin, on ne peut pas dire que cela aie vraiment fonctionné...
- Ah bon ? Vous vous êtes disputés ?
- Euh... Oui... Peut-être... Je ne sais pas... Enfin, tant pis, travaillons plutôt !
- Comme tu le souhaites, Chloé..."
Je travaillai mieux avec ma fidèle MARLI à mes côtés. Lorsque je rêvassai ou me perdait en des conjectures infinies, elle me rappelai à l'ordre, m'empêchant de m'obstiner dans de sombres pensées. Je réussis même à oublier un peu mes soucis pour me consacrer, corps et âme dans mon travail. J'avais presque oublié comme ce métier le fascinait, perdue comme je l'étais en ce qui concernait ma vie privée... Et MARLI était toujours aussi surprenante par son intelligence presque humaine qui faisaient d'elle une véritable amie.
Ma journée de travail s'acheva enfin, tant bien que mal. Je regagnai donc "mon" appartement que je ne parvenais toujours pas vraiment à nommer comme tel. Au moment de sortir de l'ascenseur, je percutai une jeune fille qui sursauta aussitôt et s'exclama :
"Oh ! Excusez-moi ! J'étais dans la lune !
- Non, c'est moi !"
Elle eut un premier regard vers mon ventre et parut paniquée.
"Oh, je suis vraiment désolée, madame ! Si j'étais un peu moins étourdie ! Tout va bien, vous êtes sûre ?
- Mais oui, ne vous en faites pas !"
Alors seulement, elle releva la tête. Je lui souris le plus aimablement possible mais son propre sourire se figea.
"Vous !
- Pardon ? Est-ce que par hasard, nous nous connaîtrions ?
- Qu'est-ce que vous fichez ici ? Vous nous suivez, c'est ça ?
- Hein ? Quoi ? Mais pas du tout ! Je ne vous connais même pas !
- Ne mentez pas ! Vous n'avez pas intérêt à approcher de nouveau mon père ou vous le regretterez !
- Mais qui êtes-vous à la fin ?
- Sasaki ! Amélie Sasaki ! Ça vous dit quelque chose, à présent ?
- Vous... Vous êtes la fille de Nicolas Sasaki ?
- Ne faites pas semblant !
- Ravie de vous rencontrer alors ! Je suis Chloé Berry, sa collègue !
- Chloé ? C'est vous ?
- Qui croyiez-vous que j'étais ?
- Non, c'est impossible ! Je... Je...Excusez-moi...Mais...Pourquoi Mon Dieu, pourquoi ?
- Quelque chose ne va pas ?
- T...Tout va très bien... Vous habitez ici ?
- Oui, juste là.
- Mais c'est chez M. et Mme Rasoya, non ?
- Oui, Raj Rasoya est mon mari...
- Vous êtes mariée ????, s'étrangla-t-elle. Ah oui... Donc, le bébé... Excusez-moi... Pardon, je suis indiscrète... Est-ce que... Est-ce que je pourrai passer vous voir ? Ah non, c'est idiot, oubliez, je vous dérangerai... Vous êtes mariée, vous attendez un enfant...Enfin, j'aurais quand même voulu... C'est tellement étrange cette ressemblance ! J'ai du mal à croire que vous soyez deux personnes différentes...
- Vous ne voulez pas entrer un moment pour discuter ? Je vous assure que ça ne me dérange pas !
- Non, non, je dois y aller... Peut-être un autre jour... Excusez-moi pour le dérangement !"
Et elle repartit immédiatement par l'ascenseur qui s'ouvrait au même instant, me laissant pour le moins abasourdie par cette drôle de rencontre...
Je n'eus toutefois pas le temps de réfléchir plus abondamment à l'étrangeté de cette conversation puisqu'un cri retentit presque aussitôt...
"Raj ?" Pas de réponse. Un peu affolée, je me précipitai dans l'appartement où m'attendait un spectacle que je reconnus aussitôt puisqu'il s'était produit il n'y avait même pas vingt-quatre heures...
Mais cette vision me saisit tout autant que la première fois. S'habitue-t-on jamais à la mort ? À la vision de ce corps inerte, aussi désarticulé qu'un pantin ? Non, on a beau se dire que cela va bientôt arriver, on a beau avoir déjà fait face, en rêve, ou réellement à cette situation, c'est toujours le même choc que la première fois. Il y a la disparition de l'être aimé, bien évidemment, mais ce n'était là pas mon cas puisque Mme Rasoya et moi n'avions jamais été proches d'une quelconque manière que ce soit. Je ne l'appréciais pas et c'était grandement réciproque, nous le savions. Mais il y avait autre chose qui horrifiait dans la mort. C'était son idée même. Qu'y avait-il de "l'autre côté" ? Est-ce qu'un jour, vraiment, on disparaîtrait tous totalement et ce serait comme si on avait jamais existé ? Et tous ces gens qui étaient partis avant nous, les retrouverait-on jamais ? Est-ce que tout ça aboutissait vraiment au néant ? Cet "au-delà" existait-il ou n'était-il qu'un mythe que nous avions créé dans notre crainte de partir, de perdre cette vie qui nous était si chère ? Je crus me sentir mal. Toute force semblait avoir quitté mon corps quand la mort était entrée dans la pièce, répandant sa sombre aura jusque dans les tréfonds de mon âme. De nouveau, Raj se précipita. Je n'y croyais pas, plus... Cette dame noire ne pouvait pas épargner sa victime par deux fois, impossible...Elle n'épargnait personne, juste quelques heures pour que l'espoir perdure mais elle était cette fatalité qui viendrait s'approcher de chacun de nous, au crépuscule de la vie pour nous faucher, invariablement, jeune ou vieux, petit ou grand, pauvre ou riche, nous étions égaux face à la mort.
Pourtant, Raj se jeta à ses pieds avec encore plus de ferveur que la première fois. J'avais envie de lui dire d'abandonner, de laisser sa mère en paix puisqu'elle mourrait, de toutes façons, qu'il le veuille ou non. Mais il semblait que sa seule vocation dans ce monde était sa mère : la sauver, la rendre fière. Elle était le centre de sa vie et au fond de moi, je savais que sa disparition entraînerait un grand vide que personne ne pourrait jamais combler. Aussi ne dis-je rien mais je n'en pensais pas moins. J'avais gardé l'espoir que, lorsque sa mère serait partie, Raj changerait, que peut-être ce Raj, je pourrais l'aimer. Mais à le voir ainsi, déterminé à sauver la moindre parcelle de vie dans ce vieux corps aspirant à la liberté, je pressentais déjà que tel ne serait pas le cas, qu'il s'attacherait à la mort d'une manière aussi déterminée qu'il s'était attachée à la vie. La Faucheuse, devant toute cette souffrance sembla prendre plaisir à faire durer les instants de la vieille femme, comme si elle souhaitait que le jour fatidique soit rendu plus fort, son attente plus anxieuse par tous ces revirements. Elle rendit donc la vie à une Mme Rasoya exténuée, pour la deuxième fois.
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