Forum Discussion
8 years ago
Hors-série n°1: Lise
Chère Chloé,
Toi, ma fille, la chose la plus précieuse qui ait existé à mes yeux, tu es la seule chose qui me manquera lorsque j'aurais quitté cette Terre. Car je m'en vais, vois-tu. Je sais que tu ne liras sans doute jamais ces lignes mais je les écris toutefois en espérant que toutes les mots que je couche sur le papier, pourront t'atteindre, un jour où l'autre. Je suis désolée de devoir te quitter si prématurément. Tu es bien trop petite pour avoir à subir l'épreuve à laquelle tu vas être confrontée prochainement. Sache seulement que je t'aime, très fort, que tu n'as rien à te reprocher, que tu as toujours été la plus parfaite des petites filles : je n'aurais pu rêver mieux. Mais je pars trésor. Toi-aussi, je suis sûre que tu me comprendras un jour. Un jour, tu trouveras quelqu'un qui saura t'aimer et que tu aimeras plus que tout. Alors tu comprendras. Tu comprendras comme ce monde me paraît vide à présent, comme plus aucune lumière ne peut atteindre mes yeux et comme, malgré tout l'amour que tu as pu me donner, chaque jour que Dieu fait, je suis vide et creuse de l'intérieur. Aujourd'hui, je suis résolue à partir. Mais je ne pars pas seule. J'emporte avec moi l'objet de toute ma haine. Mon trésor, là où il sera, il ne pourra plus t'atteindre, toi, le seul trésor que j'ai en ce bas monde !
Mon petit ange, je voudrais te raconter l'histoire de ma vie, rien qu'une fois. Je n'en ai pas le temps, alors, de nouveau, j'espère que le vent emportera tous ces mots à toi. J'écris pour toi. C'est l'histoire d'une petite fille qui s'appelait Lise. Comme tu l'auras sans doute compris, cette petite fille, c'est moi, c'est ce que je n'ai jamais cessé d'être. La petite fille s'appelait Lise, donc. Ces journées, elle les passait dans sa chambre rose, en haut du grand escalier de marbre. Elle détestait le rose, elle détestait les fleurs. Elle ne comprenait pas pourquoi on la forçait à rester dans cette chambre, si laide à ses yeux. Elle ne comprenait pas grand-chose, cette pauvre petite. Quand elle demandait à sa "Nanny", une vieille femme toute sèche et fripée, celle-ci lui répondait :
"Mlle Lise ! Une jeune fille bien-élevée ne pose pas de questions ! Une petite fille doit être vue et non entendue. Combien de fois doit-on vous le répéter ? Voulez-vous vraiment mécontenter votre mère ?
- Non ! Je ne le veux pas !
- Parler aussi bien, à votre âge ! Ce devrait-être un crime ! Votre mère est bien bonne de vous élever avec autant de liberté !"
Oh non, sa mère n'était pas bonne. Sa mère la haïssait parce qu'elle était une fille. Sa mère était seulement la seconde épouse de son père qui avait déjà plusieurs grands enfants. Elle avait eu beaucoup de mal à tomber enceinte de cette fille et elle avait espéré que ce serait un garçon, afin qu'il obtienne l'héritage convoité. Mais ç'avait été une fille, décevant toutes ses attentes. Nanny avait été la nourrice de sa mère elle la soutenait toujours, au détriment de la petite fille. Tout juste si elle ne l'accusait pas d'être née. Lise n'aimait pas Nanny, pas plus, même si c'était mal de le dire, qu'elle n'aimait sa mère. Sa mère était tous les jours en train de discuter avec des femmes dans son petit "gynécée", le coin du salon qui leur était réservé tandis que son père parlait avec affaires avec les hommes. Ce jour-là, c'était deux femmes rousses, deux sœurs, dont le mari de l'une d'entre elles venait, pour conclure quelque échange.
Ce jour-là, Lise avait échappé à la surveillance de Nanny pour venir espionner ces dames. Seulement, sa mère l'aperçut. Elle s'avança vers elle,
pleine de fureur de voir sa discussion ainsi troublée, lorsque, brusquement, une idée sembla traverser son esprit. Elle prit l'enfant dans ses bras,
sans ménagement, mais, au lieu de l'éloigner, elle la fit pénétrer dans le salon interdit et l'amena face à ses amies.
"Veuillez m'excuser, leur déclara-t-elle avec un sourire éclatant. C'est ma fille, voyez-vous ! Elle est un peu fragile de santé et elle a besoin de soins presque constants !"
Elle inventait tout, au gré de l'inspiration. Pour sa fille, elle eut un regard dur et froid et murmura à son oreille :
"Sois sage et tais-toi, comme on te l'a appris. Fais-moi une bonne impression ou, au moins, efforce-toi de ne pas ficher en l'air tous les efforts de ton père. Essaie de ne pas me décevoir encore une fois."
La mère de Lise avait toujours des mots très durs pour sa fille. C'était comme ça qu'elle avait elle-même été élevée. C'était ça qui l'avait conduite à la place qu'elle occupait aujourd'hui. Les adultes oublient souvent comment ils étaient quand ils étaient enfants. La mère de Lise avait oublié combien elle avait pu être malheureuse, elle-aussi, en entendant de tels mots sortir de la bouche de sa mère.
La petite Lise ne comprenait pas pourquoi elle devait faire semblant de ne pas savoir parler mais elle obéit, parce que sa mère lui avait dit de le faire et que si elle désobéissait à sa mère, elle serait battue et ça, c'était hors-de-question. La petite gazouilla donc, au milieu des dames qui s'exclamaient : "Oh ! Comme elle est adorable votre fille, Maria ! Elle vous ressemble beaucoup !"
Maria, la mère de Lise, affichait un sourire satisfait. Bientôt, l'affaire fut conclue, les deux dames partirent avec l'homme qui les accompagnait. Ne restèrent plus que Lise et sa mère dans le gynécée. Tout sourire avait quitté le visage de Maria.
"Tu t'es plutôt bien débrouillée. Tu peux retourner jouer dans ta chambre. Et que je ne te revoie plus par ici, souffla-t-elle d'un ton sec, comme si le simple fait d'ouvrir la bouche pour parler à sa fille lui était insupportable.
Lise regagna donc sa chambre rose, avec ses jouets roses, qu'elle haïssait tant. Elle prit une poupée à la robe rose et la regarda avec un regard triste. Comme elle lui ressemblait, cette petite figurine en bois, seule dans la grande maison vide !
Vint un jour où Lise grandit. Elle prit la résolution d'être la plus parfaite des petites filles, dans l'espoir que sa mère serait fière d'elle. Elle ne se plaignait jamais, passait ses journées assise dans sa chambre rose qui n'avait presque pas changé : personne n'avait jugé utile de remplacer ses jouets de bambins par des neufs, plus adaptés à son âge. Mais de toutes façons, elle n'y jouait plus, restant sagement assise en attendant que sa mère l'appelle.
À présent, sa mère l'appelait tous les jours. Elle était presque membre à part entière du gynécée où il y avait toujours des dames pour s'extasier de cette adorable petite fille si bien éduquée. C'était les seuls moment où sa mère souriait, fière de se voir ainsi complimenté à si peu de frais puisqu'elle n'était même jamais montée dans la chambre de la petite. Devant les autres, elle faisait semblant d'être un mère très attentionnée envers sa petite fille, ne retrouvant son visage de pierre que lorsque le gynécée était entièrement vide.
Le père de Lise, lui, ne s'occupait pas de sa fille. On lui avait retourné que sa seconde épouse était une parfait mère, il laissait donc faire. Depuis la mort de sa première femme, il ne s'intéressait plus à rien, si ce n'était à ses affaires et à sa seconde épouse, qu'il aimait passionnément. C'était un vieil homme, un peu aigri mais qui n'avait pas son pareil pour conclure des affaires des plus avantageuses pour lui.
Le temps passa, tous les jours se ressemblaient. La petite Lise devint une adolescente. Elle comprit alors qu'elle n'obtiendrait jamais la moindre reconnaissance de la part de sa mère, pas plus que de celle de son père ou de Nanny. Elle changea du tout au tout. On ne la vit plus dans le gynécée. On ne la vit plus dans la maison de ses parents. Elle passait l'essentiel de son temps en extérieur avec ses amis. Elle avait rejoint les BB's comme on les appelait pour les moquer. Une bande d'ados, les ancêtres des Rebelles qui était dirigée par Betty d'où le surnom de Betty's Band ou BB's. La bande comprenait cinq membres : Betty, la chef qui menait la danse avec sa classe habituelle.
Secondée par son frère, le séduisant Taylor. C'était grâce à lui que Lise avait rejoint la troupe...
En troisième, il y avait la mignonne Cassie. Contrairement à Betty et Taylor, elle n'avait jamais traîné dans des affaires louches et, quand on faisait partie de la bande, elle était la douceur même. Quand on ne faisait pas partie de la bande... il valait mieux éviter de la regarder d'un peu trop près. Et qu'on fasse partie de la bande ou pas, si on avait le malheur de laisser attendre qu'elle état "mignonne" ou "gentille", il valait mieux savoir courir vite.
Ensuite, il y avait Lise. Elle avait drôlement changé depuis la petite fille adorable en robe à volants bleus, discutant aimablement avec de grandes dames. Au fond, elle n'aurait pas fait de mal à un chien. Mais son nouveau look consistait déjà en un affront pour sa famille qui refusait à présent de la voir. Les soirs où elle rentrait, elle le faisait le plus tard possible. Et si jamais elle était surprise alors qu'elle montait dans sa chambre, elle était bonne pour passer la nuit dehors.
Lise, à cause de ses origines qui différaient grandement de celles des autres membres du Betty's Band, avait eu tout d'abord un peu de mal à s'intégrer. Sa réussite était seulement due à Taylor...
Il y avait un dernier membre au groupe : Will. Personne ne savait vraiment pourquoi il restait avec une bande comme eux alors qu'il n'était absolument pas de "leur monde". Pourtant personne n'avait jamais songé à le virer. Il était gentil avec tous et la plupart du temps, se taisait et les suivait. Lise l'appréciait beaucoup. Elle pensait qu'ils avaient besoin de quelqu'un comme Will dans leur groupe pour leur rappeler, quelque fois,
qu'il existait des gens normaux qui ne les jugeaient pas juste pour leur apparence et qui pouvait les apprécier comme ils étaient. Betty et Taylor ne lui avaient pratiquement jamais adressé la parole. Betty le laissait simplement les suivre tant qu'il 'était pas trop lourdingue. Cassie lui parlait,
parfois, mais la seule à le considérer comme un membre à part entière de la bande était Lise. Elle était rapidement devenue sa confidente et elle savait, elle, pourquoi il tenait tant à rester parmi eux. Will était amoureux de la jolie Cassie.
Lise allait déménager. Elle était vraiment triste de devoir partir, loin de ses seuls amis. Elle savait que Betty ne l'avait jamais vraiment aimée parce qu'elle sortait avec son frère, mais Taylor, Cassie et même Will allaient lui manquer terriblement. Toute la bande était déjà en train de discuter dans une pièce et Lise allait les rejoindre lorsqu'elle s'arrêta net devant la porte.
Ce n'était peut-être pas bien d'espionner ainsi ses amis mais elle ne pensait pas à mal, se demandant juste à quoi pouvaient bien ressembler les discussions de ses amis en son absence. Elle entendit la voix rauque de Betty à travers le bois fin de la porte.
"Hey ! Vous savez pas la dernière ? Lise s'tire ! C'était pas trop tôt ! C'te fille ma saoulait carrément avec ses allures de gosse de riche ! Z'avez pas vu sa baraque ? Ses parents sont blindés pour sûr ! J'imagine trop leur discussions à table : "Alors ma chérie ? Tu traînes toujours avec cette boule puante de Betty ?" 'Suis sûre que ce sont ses parents qui lui paie tous ses vêtements ! Quand j'pense à toutes les années où j'ai économisé pour m'acheter c'te robe en soldes, ça m'donne envie d'vomir !
- C'est clair, renchérit Cassie. J'ai été obligé d'me coiffer et d'me tatouer moi-même ! Elle, t'as vu ses cheveux ? C'est un pro qui lui a fait ça, obligé !
- Ouais, continua Betty, en plus, elle nous a jamais laissé aller chez elle ! Vous verriez sa piscine, mon Dieu ! On doit être trop sale pour pouvoir s'y baigner, c'pour ça !"
Betty et Cassie partirent d'un grand rire aigre. De l'autre côté de la porte, Lise osait à peine respirer. Chaque mot porté lui était un coup au cœur. Elle les croyait ses amies !
Elle entendit ensuite la voix de Will. Cela lui mit un peu de baume au cœur. Elle regretta même de ne pas lui avoir été plus reconnaissante pour l'avoir acceptée le premier quand elle avait débarqué au bras de Taylor.
"Nan mais arrêtez d'parler comme ça d'elle dans son dos ? Vous aimeriez qu'on fasse pareil avec vous ?
- Ouh là ! 'Tention, le rouquin s'énerve, plaisanta Betty.
- La ramène pas l'corbeau ! Tu t'es prise pour Miss Monde, p'têt' ? J'vais te dire moi ! T'es juste jalouse parce qu'elle sort avec ton frangin ! Mais t'en sais rien d'sa situation avec ses parents ! Alors arrête de suite avec tes suppositions à la noix, ok ? Tu crois vraiment qu'elle resterait avec une fille aussi désagréable que toi si elle avait un foyer où des parents l'attendent les bras ouverts ? Et toi ? Tu serais là, si t'avais une baraque comme la sienne et des parent à tes pieds ? Est-ce que vous serez tous là, à moisir dans c'coin pourri, à vous donner un genre et à parler dans l'dos de la seule pote que vous aurez de toute votre vie ? Betty, t'es la reine des looseuses, voilà c'que t'es ! On es tous des looseurs, sinon, on n'en s'rait pas là ! Et tu peux dire c'que tu veux, Lise elle vaut quatre fois, non, dix mille fois mieux qu'toi ! Mais c'est une looseuse, elle-aussi, qui sait pas quoi faire d'sa vie parce que ses parents la renie et les filles comme toi la traitent comme une gosse de riches dédaigneuse. J'me répète mais si on avait un foyer, y'aurait aucun d'nous ici, aucun d'nous ! Rentre bien ça dans ta p'tite tête !
- Non mais comme qu'il m'cause, l'autre là ? Tu tiens pas à ta vie, toi !
- Oh là ! Calmez-vous ! Laisse-tomber, Will. Elle se moque d'toi, Lise.
- Qu'est-ce que tu racontes, Cassie ? Tu vas pas t'y mettre toi-aussi ?
- Écoute, elle est pas d'not' monde, Betty a raison. Elle, elle avait l'choix. Nous, on est née comme ça, des "looseurs", comme tu dis, dans les bas-fonds du quartier. On a toujours vécu comme ça. Lise, si elle l'avait voulu, elle aurait pu vivre bien, dans sa grande baraque avec ses parents et son fric. Nous, quoi qu'on fasse, on restera toujours des moins-que-rien.
"Tu te trompes, Cass'. Elle est pas différente de nous. Tu sais pas ce qui l'a poussée à agir comme ça. Tu m'déçois Cassie. J'pensais que t'étais son amie. Et toi, Taylor ? Tu dis rien ? On insulte ta copine et tu dis rien ?
- Mais t'as raison, Willie ! C'est Taylor qui la connais le mieux après tout ! Interrogeons-le !"
Lise pouvait voir d'où elle était le sourire satisfait que Betty devait arborer. Entendre la voix de Taylor fut un coup de grâce. Il avait des accents si doux quand il lui parlait. Elle faillit ne pas reconnaître cette voix sarcastique. Combien de fois lui avait-on dit de ce méfier de ce renard-là ? Combien de fois s'était-elle moquée d'eux ?
"Sorry Will mais ma frangine a raison. C'est qu'une gamine, c'te fille. Une gamine égoïste et prétentieuse. J'sais pas comment j'ai tenu jusque là à subir ses caprices de pourrie gâtée ! Ah non mais c'était hilarant ! Elle était tellement persuadée d'être un rebelle ! Et tellement persuadée d'avoir trouvé le grand amour ! J'me retenais pour pas rire ! T'as pas vu tout-à-l'heure comme elle s'accrochait à moi ? Elle croit qu'elle peut obtenir c'qu'elle veut avec son joli petit minois de poupée. J'suis presque déçu qu'elle parte ! Elle m'amusait bien c'te poulette."
Lise resta figée sur place. Les larmes ne coulaient même pas. Elle se sentait juste terriblement mal. Tout son monde semblait s'écrouler autour d'elle. Elle croyait qu'ils étaient ses amis. Elle avait passé toutes ses années de sa vie à leurs côtés pour découvrir, au moment de son départ, qu'aucun d'eux ne l'avait jamais estimée. Elle avait cru avoir enfin trouvé sa place quelque part, enfin trouvé un foyer. Elle s'était trompée. Elle n'avait pas plus sa place ici que dans sa chambre rose ou dans ce gynécée rayonnant de l'aura de sa mère. Elle entendit à peine Will se mettre à crier. En tous cas, elle ne bougeait toujours pas.
"Finalement, j'me trompais. J'croyais que vous valiez mieux que ce que tout le monde croyait. Mais vous pouvez faire c'que vous voulez, vous serez jamais que des moins-que-rien dans vot' vie ! Vous voulez qu'on arrête de vous juger pour vos apparences mais c'est bien c'que vous faites vous ! Moi, j'me tire.
- Vas-y tire-toi ! Va rejoindre ta super copine, Lise, la fille la plus géniale de tous les temps ! Ah non, oups, c'est vrai ! Elle va partir et tu te retrouveras tout seul comme le pauvre naze que t'es !, lança Betty.
- Ouais, ben, j'préfère être seul qu'en votre compagnie ! Vous m'décevez. Les gens ont raison d'vous r'garder comme des chiens parce que c'est juste c'que vous êtes ! Et vous êtes même pas capable de voir au-delà d'une baraque avec piscine ! Betty, j'croyais que t'étais récupérable malgré ton passé, j'me trompais. Taylor, t'es vraiment plus bas que Terre pour avoir fait ça à Lise. Et Cass'... Ben Cass', y'a rien à dire. Tu m'déçois tellement. Allez, restez entre BB's parce que c'est juste c'que vous êtes."
Will se leva à grand fracas et ouvrit la porte, avant de s'arrêter en voyant Lise, toujours figée. Il referma la porte derrière lui, doucement puis il la regarda, sans rien dire, l'air triste.
Enfin, il ouvrit la bouche.
"T'as tout entendu je suppose. C'est... C'est vraiment...Rah ! J'suis dégoûté !
"Je te remercie de m'avoir défendue, Will. Mais je m'en vais, de toutes façons. Te brouille pas avec eux pour moi. Ce serait dommage qu'ils te perdent. Et puis, fais pas l'idiot, y'a Cass' aussi. Tu vas pas tout laisser tomber juste pour moi ! Ils ont raison. Je suis pas de leur monde. Je devrais pas me plaindre. Eux, ils ont jamais eu le choix dans leurs vies.
- Non, j'y retournerai pas. C'est fini, maintenant et tant pis pour Cass', j'm'étais trompé sur son compte."
Lise inspira profondément. Elle souriait.
"Merci Will, répéta-t-elle. T'es sans doute le meilleur ami que j'aurais jamais. Merci pour tout."
Elle n'arrivait pas à exprimer tout ce qui lui traversait l'esprit et le cœur en cet instant. Elle ne pouvait que répéter "Merci, merci Will.", sans parvenir à mettre d'autre mot sur la reconnaissance qui l'emplissait. Elle avait envie de lui dire qu'elle l'adorait mais les mots ne voulaient pas sortir. Elle avait peur de passer pour une imbécile, de ruiner leur belle amitié. Alors elle se taisait, répétait ses "merci" en essayant d'y mettre tout son cœur et d'exprimer dans sa voix ce qu'elle ne parvenait pas à exprimer autrement.
"Bon ben..., commença Will, un peu hésitant. Aux deux looseurs qui quittent le Betty's Band pour de nouveaux horizons !
- Ouais ! À Willie et Lisette ! Et nazes un jour, nazes toujours !"
Enfin, il la serra dans ses bras.
" À plus, Lise. Tu vas m'manquer...
- Toi-aussi mon Willie...Toi-aussi...
- J't'aime fort ma Lisette... Et même si on s'revoit jamais, j'me souviendrai d'toi !
- Hihi... T'as intérêt !... Allez... Adieu, mon p'tit Willie adoré !"
Ils se séparèrent et elle le regarda partir avec l'impression qu'il emportait avec elle tout ce qu'il y avait eu d'un peu beau dans sa vie. Je ne l'ai jamais oublié, ma petite Chloé. Jamais. Et aujourd'hui, je me demande ce qui ce serait passé si j'étais tombée amoureuse de mon Will plutôt que de Taylor. Peut-être que je l'étais au fond de moi, sans oser mettre ce grand mot sur mon adorable meilleur ami...
Chère Chloé,
Toi, ma fille, la chose la plus précieuse qui ait existé à mes yeux, tu es la seule chose qui me manquera lorsque j'aurais quitté cette Terre. Car je m'en vais, vois-tu. Je sais que tu ne liras sans doute jamais ces lignes mais je les écris toutefois en espérant que toutes les mots que je couche sur le papier, pourront t'atteindre, un jour où l'autre. Je suis désolée de devoir te quitter si prématurément. Tu es bien trop petite pour avoir à subir l'épreuve à laquelle tu vas être confrontée prochainement. Sache seulement que je t'aime, très fort, que tu n'as rien à te reprocher, que tu as toujours été la plus parfaite des petites filles : je n'aurais pu rêver mieux. Mais je pars trésor. Toi-aussi, je suis sûre que tu me comprendras un jour. Un jour, tu trouveras quelqu'un qui saura t'aimer et que tu aimeras plus que tout. Alors tu comprendras. Tu comprendras comme ce monde me paraît vide à présent, comme plus aucune lumière ne peut atteindre mes yeux et comme, malgré tout l'amour que tu as pu me donner, chaque jour que Dieu fait, je suis vide et creuse de l'intérieur. Aujourd'hui, je suis résolue à partir. Mais je ne pars pas seule. J'emporte avec moi l'objet de toute ma haine. Mon trésor, là où il sera, il ne pourra plus t'atteindre, toi, le seul trésor que j'ai en ce bas monde !
Mon petit ange, je voudrais te raconter l'histoire de ma vie, rien qu'une fois. Je n'en ai pas le temps, alors, de nouveau, j'espère que le vent emportera tous ces mots à toi. J'écris pour toi. C'est l'histoire d'une petite fille qui s'appelait Lise. Comme tu l'auras sans doute compris, cette petite fille, c'est moi, c'est ce que je n'ai jamais cessé d'être. La petite fille s'appelait Lise, donc. Ces journées, elle les passait dans sa chambre rose, en haut du grand escalier de marbre. Elle détestait le rose, elle détestait les fleurs. Elle ne comprenait pas pourquoi on la forçait à rester dans cette chambre, si laide à ses yeux. Elle ne comprenait pas grand-chose, cette pauvre petite. Quand elle demandait à sa "Nanny", une vieille femme toute sèche et fripée, celle-ci lui répondait :
"Mlle Lise ! Une jeune fille bien-élevée ne pose pas de questions ! Une petite fille doit être vue et non entendue. Combien de fois doit-on vous le répéter ? Voulez-vous vraiment mécontenter votre mère ?
- Non ! Je ne le veux pas !
- Parler aussi bien, à votre âge ! Ce devrait-être un crime ! Votre mère est bien bonne de vous élever avec autant de liberté !"
Oh non, sa mère n'était pas bonne. Sa mère la haïssait parce qu'elle était une fille. Sa mère était seulement la seconde épouse de son père qui avait déjà plusieurs grands enfants. Elle avait eu beaucoup de mal à tomber enceinte de cette fille et elle avait espéré que ce serait un garçon, afin qu'il obtienne l'héritage convoité. Mais ç'avait été une fille, décevant toutes ses attentes. Nanny avait été la nourrice de sa mère elle la soutenait toujours, au détriment de la petite fille. Tout juste si elle ne l'accusait pas d'être née. Lise n'aimait pas Nanny, pas plus, même si c'était mal de le dire, qu'elle n'aimait sa mère. Sa mère était tous les jours en train de discuter avec des femmes dans son petit "gynécée", le coin du salon qui leur était réservé tandis que son père parlait avec affaires avec les hommes. Ce jour-là, c'était deux femmes rousses, deux sœurs, dont le mari de l'une d'entre elles venait, pour conclure quelque échange.
Ce jour-là, Lise avait échappé à la surveillance de Nanny pour venir espionner ces dames. Seulement, sa mère l'aperçut. Elle s'avança vers elle,
pleine de fureur de voir sa discussion ainsi troublée, lorsque, brusquement, une idée sembla traverser son esprit. Elle prit l'enfant dans ses bras,
sans ménagement, mais, au lieu de l'éloigner, elle la fit pénétrer dans le salon interdit et l'amena face à ses amies.
"Veuillez m'excuser, leur déclara-t-elle avec un sourire éclatant. C'est ma fille, voyez-vous ! Elle est un peu fragile de santé et elle a besoin de soins presque constants !"
Elle inventait tout, au gré de l'inspiration. Pour sa fille, elle eut un regard dur et froid et murmura à son oreille :
"Sois sage et tais-toi, comme on te l'a appris. Fais-moi une bonne impression ou, au moins, efforce-toi de ne pas ficher en l'air tous les efforts de ton père. Essaie de ne pas me décevoir encore une fois."
La mère de Lise avait toujours des mots très durs pour sa fille. C'était comme ça qu'elle avait elle-même été élevée. C'était ça qui l'avait conduite à la place qu'elle occupait aujourd'hui. Les adultes oublient souvent comment ils étaient quand ils étaient enfants. La mère de Lise avait oublié combien elle avait pu être malheureuse, elle-aussi, en entendant de tels mots sortir de la bouche de sa mère.
La petite Lise ne comprenait pas pourquoi elle devait faire semblant de ne pas savoir parler mais elle obéit, parce que sa mère lui avait dit de le faire et que si elle désobéissait à sa mère, elle serait battue et ça, c'était hors-de-question. La petite gazouilla donc, au milieu des dames qui s'exclamaient : "Oh ! Comme elle est adorable votre fille, Maria ! Elle vous ressemble beaucoup !"
Maria, la mère de Lise, affichait un sourire satisfait. Bientôt, l'affaire fut conclue, les deux dames partirent avec l'homme qui les accompagnait. Ne restèrent plus que Lise et sa mère dans le gynécée. Tout sourire avait quitté le visage de Maria.
"Tu t'es plutôt bien débrouillée. Tu peux retourner jouer dans ta chambre. Et que je ne te revoie plus par ici, souffla-t-elle d'un ton sec, comme si le simple fait d'ouvrir la bouche pour parler à sa fille lui était insupportable.
Lise regagna donc sa chambre rose, avec ses jouets roses, qu'elle haïssait tant. Elle prit une poupée à la robe rose et la regarda avec un regard triste. Comme elle lui ressemblait, cette petite figurine en bois, seule dans la grande maison vide !
Vint un jour où Lise grandit. Elle prit la résolution d'être la plus parfaite des petites filles, dans l'espoir que sa mère serait fière d'elle. Elle ne se plaignait jamais, passait ses journées assise dans sa chambre rose qui n'avait presque pas changé : personne n'avait jugé utile de remplacer ses jouets de bambins par des neufs, plus adaptés à son âge. Mais de toutes façons, elle n'y jouait plus, restant sagement assise en attendant que sa mère l'appelle.
À présent, sa mère l'appelait tous les jours. Elle était presque membre à part entière du gynécée où il y avait toujours des dames pour s'extasier de cette adorable petite fille si bien éduquée. C'était les seuls moment où sa mère souriait, fière de se voir ainsi complimenté à si peu de frais puisqu'elle n'était même jamais montée dans la chambre de la petite. Devant les autres, elle faisait semblant d'être un mère très attentionnée envers sa petite fille, ne retrouvant son visage de pierre que lorsque le gynécée était entièrement vide.
Le père de Lise, lui, ne s'occupait pas de sa fille. On lui avait retourné que sa seconde épouse était une parfait mère, il laissait donc faire. Depuis la mort de sa première femme, il ne s'intéressait plus à rien, si ce n'était à ses affaires et à sa seconde épouse, qu'il aimait passionnément. C'était un vieil homme, un peu aigri mais qui n'avait pas son pareil pour conclure des affaires des plus avantageuses pour lui.
Le temps passa, tous les jours se ressemblaient. La petite Lise devint une adolescente. Elle comprit alors qu'elle n'obtiendrait jamais la moindre reconnaissance de la part de sa mère, pas plus que de celle de son père ou de Nanny. Elle changea du tout au tout. On ne la vit plus dans le gynécée. On ne la vit plus dans la maison de ses parents. Elle passait l'essentiel de son temps en extérieur avec ses amis. Elle avait rejoint les BB's comme on les appelait pour les moquer. Une bande d'ados, les ancêtres des Rebelles qui était dirigée par Betty d'où le surnom de Betty's Band ou BB's. La bande comprenait cinq membres : Betty, la chef qui menait la danse avec sa classe habituelle.
Secondée par son frère, le séduisant Taylor. C'était grâce à lui que Lise avait rejoint la troupe...
En troisième, il y avait la mignonne Cassie. Contrairement à Betty et Taylor, elle n'avait jamais traîné dans des affaires louches et, quand on faisait partie de la bande, elle était la douceur même. Quand on ne faisait pas partie de la bande... il valait mieux éviter de la regarder d'un peu trop près. Et qu'on fasse partie de la bande ou pas, si on avait le malheur de laisser attendre qu'elle état "mignonne" ou "gentille", il valait mieux savoir courir vite.
Ensuite, il y avait Lise. Elle avait drôlement changé depuis la petite fille adorable en robe à volants bleus, discutant aimablement avec de grandes dames. Au fond, elle n'aurait pas fait de mal à un chien. Mais son nouveau look consistait déjà en un affront pour sa famille qui refusait à présent de la voir. Les soirs où elle rentrait, elle le faisait le plus tard possible. Et si jamais elle était surprise alors qu'elle montait dans sa chambre, elle était bonne pour passer la nuit dehors.
Lise, à cause de ses origines qui différaient grandement de celles des autres membres du Betty's Band, avait eu tout d'abord un peu de mal à s'intégrer. Sa réussite était seulement due à Taylor...
Il y avait un dernier membre au groupe : Will. Personne ne savait vraiment pourquoi il restait avec une bande comme eux alors qu'il n'était absolument pas de "leur monde". Pourtant personne n'avait jamais songé à le virer. Il était gentil avec tous et la plupart du temps, se taisait et les suivait. Lise l'appréciait beaucoup. Elle pensait qu'ils avaient besoin de quelqu'un comme Will dans leur groupe pour leur rappeler, quelque fois,
qu'il existait des gens normaux qui ne les jugeaient pas juste pour leur apparence et qui pouvait les apprécier comme ils étaient. Betty et Taylor ne lui avaient pratiquement jamais adressé la parole. Betty le laissait simplement les suivre tant qu'il 'était pas trop lourdingue. Cassie lui parlait,
parfois, mais la seule à le considérer comme un membre à part entière de la bande était Lise. Elle était rapidement devenue sa confidente et elle savait, elle, pourquoi il tenait tant à rester parmi eux. Will était amoureux de la jolie Cassie.
Lise allait déménager. Elle était vraiment triste de devoir partir, loin de ses seuls amis. Elle savait que Betty ne l'avait jamais vraiment aimée parce qu'elle sortait avec son frère, mais Taylor, Cassie et même Will allaient lui manquer terriblement. Toute la bande était déjà en train de discuter dans une pièce et Lise allait les rejoindre lorsqu'elle s'arrêta net devant la porte.
Ce n'était peut-être pas bien d'espionner ainsi ses amis mais elle ne pensait pas à mal, se demandant juste à quoi pouvaient bien ressembler les discussions de ses amis en son absence. Elle entendit la voix rauque de Betty à travers le bois fin de la porte.
"Hey ! Vous savez pas la dernière ? Lise s'tire ! C'était pas trop tôt ! C'te fille ma saoulait carrément avec ses allures de gosse de riche ! Z'avez pas vu sa baraque ? Ses parents sont blindés pour sûr ! J'imagine trop leur discussions à table : "Alors ma chérie ? Tu traînes toujours avec cette boule puante de Betty ?" 'Suis sûre que ce sont ses parents qui lui paie tous ses vêtements ! Quand j'pense à toutes les années où j'ai économisé pour m'acheter c'te robe en soldes, ça m'donne envie d'vomir !
- C'est clair, renchérit Cassie. J'ai été obligé d'me coiffer et d'me tatouer moi-même ! Elle, t'as vu ses cheveux ? C'est un pro qui lui a fait ça, obligé !
- Ouais, continua Betty, en plus, elle nous a jamais laissé aller chez elle ! Vous verriez sa piscine, mon Dieu ! On doit être trop sale pour pouvoir s'y baigner, c'pour ça !"
Betty et Cassie partirent d'un grand rire aigre. De l'autre côté de la porte, Lise osait à peine respirer. Chaque mot porté lui était un coup au cœur. Elle les croyait ses amies !
Elle entendit ensuite la voix de Will. Cela lui mit un peu de baume au cœur. Elle regretta même de ne pas lui avoir été plus reconnaissante pour l'avoir acceptée le premier quand elle avait débarqué au bras de Taylor.
"Nan mais arrêtez d'parler comme ça d'elle dans son dos ? Vous aimeriez qu'on fasse pareil avec vous ?
- Ouh là ! 'Tention, le rouquin s'énerve, plaisanta Betty.
- La ramène pas l'corbeau ! Tu t'es prise pour Miss Monde, p'têt' ? J'vais te dire moi ! T'es juste jalouse parce qu'elle sort avec ton frangin ! Mais t'en sais rien d'sa situation avec ses parents ! Alors arrête de suite avec tes suppositions à la noix, ok ? Tu crois vraiment qu'elle resterait avec une fille aussi désagréable que toi si elle avait un foyer où des parents l'attendent les bras ouverts ? Et toi ? Tu serais là, si t'avais une baraque comme la sienne et des parent à tes pieds ? Est-ce que vous serez tous là, à moisir dans c'coin pourri, à vous donner un genre et à parler dans l'dos de la seule pote que vous aurez de toute votre vie ? Betty, t'es la reine des looseuses, voilà c'que t'es ! On es tous des looseurs, sinon, on n'en s'rait pas là ! Et tu peux dire c'que tu veux, Lise elle vaut quatre fois, non, dix mille fois mieux qu'toi ! Mais c'est une looseuse, elle-aussi, qui sait pas quoi faire d'sa vie parce que ses parents la renie et les filles comme toi la traitent comme une gosse de riches dédaigneuse. J'me répète mais si on avait un foyer, y'aurait aucun d'nous ici, aucun d'nous ! Rentre bien ça dans ta p'tite tête !
- Non mais comme qu'il m'cause, l'autre là ? Tu tiens pas à ta vie, toi !
- Oh là ! Calmez-vous ! Laisse-tomber, Will. Elle se moque d'toi, Lise.
- Qu'est-ce que tu racontes, Cassie ? Tu vas pas t'y mettre toi-aussi ?
- Écoute, elle est pas d'not' monde, Betty a raison. Elle, elle avait l'choix. Nous, on est née comme ça, des "looseurs", comme tu dis, dans les bas-fonds du quartier. On a toujours vécu comme ça. Lise, si elle l'avait voulu, elle aurait pu vivre bien, dans sa grande baraque avec ses parents et son fric. Nous, quoi qu'on fasse, on restera toujours des moins-que-rien.
"Tu te trompes, Cass'. Elle est pas différente de nous. Tu sais pas ce qui l'a poussée à agir comme ça. Tu m'déçois Cassie. J'pensais que t'étais son amie. Et toi, Taylor ? Tu dis rien ? On insulte ta copine et tu dis rien ?
- Mais t'as raison, Willie ! C'est Taylor qui la connais le mieux après tout ! Interrogeons-le !"
Lise pouvait voir d'où elle était le sourire satisfait que Betty devait arborer. Entendre la voix de Taylor fut un coup de grâce. Il avait des accents si doux quand il lui parlait. Elle faillit ne pas reconnaître cette voix sarcastique. Combien de fois lui avait-on dit de ce méfier de ce renard-là ? Combien de fois s'était-elle moquée d'eux ?
"Sorry Will mais ma frangine a raison. C'est qu'une gamine, c'te fille. Une gamine égoïste et prétentieuse. J'sais pas comment j'ai tenu jusque là à subir ses caprices de pourrie gâtée ! Ah non mais c'était hilarant ! Elle était tellement persuadée d'être un rebelle ! Et tellement persuadée d'avoir trouvé le grand amour ! J'me retenais pour pas rire ! T'as pas vu tout-à-l'heure comme elle s'accrochait à moi ? Elle croit qu'elle peut obtenir c'qu'elle veut avec son joli petit minois de poupée. J'suis presque déçu qu'elle parte ! Elle m'amusait bien c'te poulette."
Lise resta figée sur place. Les larmes ne coulaient même pas. Elle se sentait juste terriblement mal. Tout son monde semblait s'écrouler autour d'elle. Elle croyait qu'ils étaient ses amis. Elle avait passé toutes ses années de sa vie à leurs côtés pour découvrir, au moment de son départ, qu'aucun d'eux ne l'avait jamais estimée. Elle avait cru avoir enfin trouvé sa place quelque part, enfin trouvé un foyer. Elle s'était trompée. Elle n'avait pas plus sa place ici que dans sa chambre rose ou dans ce gynécée rayonnant de l'aura de sa mère. Elle entendit à peine Will se mettre à crier. En tous cas, elle ne bougeait toujours pas.
"Finalement, j'me trompais. J'croyais que vous valiez mieux que ce que tout le monde croyait. Mais vous pouvez faire c'que vous voulez, vous serez jamais que des moins-que-rien dans vot' vie ! Vous voulez qu'on arrête de vous juger pour vos apparences mais c'est bien c'que vous faites vous ! Moi, j'me tire.
- Vas-y tire-toi ! Va rejoindre ta super copine, Lise, la fille la plus géniale de tous les temps ! Ah non, oups, c'est vrai ! Elle va partir et tu te retrouveras tout seul comme le pauvre naze que t'es !, lança Betty.
- Ouais, ben, j'préfère être seul qu'en votre compagnie ! Vous m'décevez. Les gens ont raison d'vous r'garder comme des chiens parce que c'est juste c'que vous êtes ! Et vous êtes même pas capable de voir au-delà d'une baraque avec piscine ! Betty, j'croyais que t'étais récupérable malgré ton passé, j'me trompais. Taylor, t'es vraiment plus bas que Terre pour avoir fait ça à Lise. Et Cass'... Ben Cass', y'a rien à dire. Tu m'déçois tellement. Allez, restez entre BB's parce que c'est juste c'que vous êtes."
Will se leva à grand fracas et ouvrit la porte, avant de s'arrêter en voyant Lise, toujours figée. Il referma la porte derrière lui, doucement puis il la regarda, sans rien dire, l'air triste.
Enfin, il ouvrit la bouche.
"T'as tout entendu je suppose. C'est... C'est vraiment...Rah ! J'suis dégoûté !
"Je te remercie de m'avoir défendue, Will. Mais je m'en vais, de toutes façons. Te brouille pas avec eux pour moi. Ce serait dommage qu'ils te perdent. Et puis, fais pas l'idiot, y'a Cass' aussi. Tu vas pas tout laisser tomber juste pour moi ! Ils ont raison. Je suis pas de leur monde. Je devrais pas me plaindre. Eux, ils ont jamais eu le choix dans leurs vies.
- Non, j'y retournerai pas. C'est fini, maintenant et tant pis pour Cass', j'm'étais trompé sur son compte."
Lise inspira profondément. Elle souriait.
"Merci Will, répéta-t-elle. T'es sans doute le meilleur ami que j'aurais jamais. Merci pour tout."
Elle n'arrivait pas à exprimer tout ce qui lui traversait l'esprit et le cœur en cet instant. Elle ne pouvait que répéter "Merci, merci Will.", sans parvenir à mettre d'autre mot sur la reconnaissance qui l'emplissait. Elle avait envie de lui dire qu'elle l'adorait mais les mots ne voulaient pas sortir. Elle avait peur de passer pour une imbécile, de ruiner leur belle amitié. Alors elle se taisait, répétait ses "merci" en essayant d'y mettre tout son cœur et d'exprimer dans sa voix ce qu'elle ne parvenait pas à exprimer autrement.
"Bon ben..., commença Will, un peu hésitant. Aux deux looseurs qui quittent le Betty's Band pour de nouveaux horizons !
- Ouais ! À Willie et Lisette ! Et nazes un jour, nazes toujours !"
Enfin, il la serra dans ses bras.
" À plus, Lise. Tu vas m'manquer...
- Toi-aussi mon Willie...Toi-aussi...
- J't'aime fort ma Lisette... Et même si on s'revoit jamais, j'me souviendrai d'toi !
- Hihi... T'as intérêt !... Allez... Adieu, mon p'tit Willie adoré !"
Ils se séparèrent et elle le regarda partir avec l'impression qu'il emportait avec elle tout ce qu'il y avait eu d'un peu beau dans sa vie. Je ne l'ai jamais oublié, ma petite Chloé. Jamais. Et aujourd'hui, je me demande ce qui ce serait passé si j'étais tombée amoureuse de mon Will plutôt que de Taylor. Peut-être que je l'étais au fond de moi, sans oser mettre ce grand mot sur mon adorable meilleur ami...
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