Les jours et les semaines ont passé et j'étais toujours aussi dévastée... J'ai pourtant essayé de me changer les idées, j'vous jure ! Mais rien à faire, Saul hantait encore et encore toutes mes pensées, jour et nuit.
J'ai passé des heures au fond de mon lit à rêver que tout pouvait encore s'arranger ou à pleurer mes illusions perdues.
Je devenais même un tantinet irascible... "Nanmé tu l'trouves pas assez large ce $&@*!!§ de trottoir 'spèce de gros naze ? T'étais obligé de me marcher sur les pieds ou c'était juste pour le fun ?"
C'est pas faute d'avoir tenté un tas de trucs pour me karchériser le cerveau. Mais rien n'y faisait, ni la musique, ni mes romans de SF, ni même les blagues débiles du moustique. J'avais atteint un tel degré de désespoir que j'ai fini par me plonger corps et âme dans mes devoirs. Ca tombait à pic, j'avais une dissert' de philo à rendre pour la semaine suivante et j'vous promets que trois heures à plancher sur un sujet aussi tordu, ça vous occupe les méninges bien comme il faut: "Les autres nous aident-ils à nous connaître ou nous en empêchent-ils ? " Han-han... en voilà une question qu'elle est très bonne !
Et puis un jour où j'étais aussi guillerette qu'un pinson qui se serait pris une baie vitrée en pleine poire...
"Il faut que nous discutions Perle. Je ne peux pas te laisser dans cet état plus longtemps, j'en ai l'estomac tout retourné. Que se passe-t-il pour que tu aies si triste mine ?"
"Heu, ben rien, j'pète pas la forme, c'est tout." "Tsstss... on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace ma petite. Alors, c'est quoi ? ou plutôt... c'est qui ce garçon ?"
M*rde ! Elle m'avait démasquée la vieille. Plus moyen de me défiler. Alors je lui ai tout raconté par le menu malgré la boule qui me serrait la gorge. Elle m'a écoutée sans dire un mot, jusqu'à ce que j'ai fini de verser ma dernière larme.
"Je comprends ta peine Perle, c'est un épouvantable drame que tu traverses en ce moment. Un chagrin d'amour est toujours une affreuse déchirure qui demande un peu de temps pour cicatriser. Tu es jeune, et tu crois sincèrement aimer ce garçon qui dit ne pas pouvoir t'aimer. C'est parfaitement légitime de te sentir blessée. Mais tu ne dois pas te laisser submerger par la déception. Parce que tu es jeune, et que tu croiseras un jour ou l'autre un autre garçon qui éveillera en toi de nouveaux sentiments amoureux, différents de ceux que tu éprouves pour ce Saul, certes, mais tout aussi forts. Et ce garçon-là méritera ton amour parce qu'il saura te regarder et te considérer comme la plus belle personne qui existe au monde."
Whouaaaa... comment elle m'a fait rêver pendant deux minutes Honorine ! Elle doit avoir une sacrée collection d'Art-le-quint planquée dans sa piaule l'ancienne. Mais bon, je dois reconnaître que ça m'a fait du bien de vider mon sac. C'est toujours ça de pris.
Et ce soir-là, avant de monter me coucher, je suis sortie prendre l'air, le coeur un peu moins lourd. J'ai regardé les étoiles en me disant que l'une d'entre elles m'était peut-être destinée... cette fameuse bonne étoile qui m'a cruellement manqué jusqu'à aujourd'hui et qui, peut-être un jour, daignera se pencher sur mon cas.
M'enfin, ce qui brillait le plus dans la nuit, c'était la maison du voisin d'en face. Ouais, le flic ! ça paye bien dis-donc de foutre les gens en taule!
Ca fait deux semaines que je suis rentré d'Oasis Spring et mon enquête est toujours au point mort. Impossible de mettre la main sur la moindre preuve reliant mon suspect n°1 au trafic de pistolasers qui sévit en toute quiétude dans une zone de plus en plus étendue: Willow Creek, Oasis Spring, et bientôt le tout nouveau quartier de Newcrest qui tend les bras aux trafiquants.
Mais maintenant le temps presse. Les braquages de commerces et les cambriolages en bandes armées se multiplient dangereusement dans la région et mes supérieurs me mettent la pression.
"Oui chef... non, non, surtout pas, si vous confiez l'enquête au Effebiaïe il faudra tout reprendre à zéro et nous risquons de perdre beaucoup de temps... je comprends oui... mais il me reste une dernière carte à jouer... non... sa soeur. Je vais lui filer le train et voir ce que je peux trouver de ce côté-là... oui, oui, c'est parfaitement clair. Faites-moi confiance, on va finir par les serrer!"
Et voilà comment je me suis retrouvé en planque devant la maison des Fortini , espérant ne pas poireauter pour rien depuis presque deux heures.
J'étais à deux doigts de renoncer quand je l'ai vue sortir de la maison. Génial ! Je n'avais plus qu'à la coller et voir si elle avait quelque chose à voir de près ou de loin avec les activités de son frangin.
Je l'ai d'abord suivie au centre commercial. RAS. Mademoiselle avait semble-t-il besoin d'une nouvelle paire de chaussures. Puis elle m'a baladé du côté de la salle de sport où elle est allée bécoter ce qui ressemblait assez à son boy-friend du moment. Et enfin nous avons pris la direction de la bibliothèque municipale où elle avait rendez-vous avec une copine qui... mais... attendez ! Je la connais cette fille ! C'est la gamine qui vit chez mes voisins ! Ah m*rde alors !
Il fallait que j'en ai le coeur net. J'ai donc investi les lieux le plus discrètement possible et je me suis trouvé un poste de surveillance de premier choix. Aucun doute possible, c'était bien la jolie petite Perle de Lucien et Honorine. Et elle fréquentait la frangine de mon principal suspect. Voilà qui risquait de changer sérieusement la donne s'il s'avérait qu'elle fricotait avec la canaille... La simple idée que ça puisse être le cas m'a bien secoué. J'en serais fort peiné pour mes sympathiques voisins.
Une heure plus tard, les filles regagnaient leurs pénates et moi je suis retourné au commissariat pour rédiger mon rapport . Autant dire qu'il n'y avait pas grand chose à raconter, mes supérieurs allaient adorer. Cette filature avait été si peu fructueuse que j'ai finalement décidé de ne pas évoquer la présence de ma chère voisine. Il serait toujours temps de la mentionner s'il s'avérait qu'elle était réellement impliquée dans l'affaire.
Une fois à la maison, je me suis fait réchauffer un plat cuisiné tout en réfléchissant à ce nouvel élément de mon enquête. Mon regard s'est égaré vers l'autre côté de la rue et je me suis mis à maudire ce fâcheux pied de nez du hasard. Je n'aimais pas du tout l'idée qu'elle puisse être mêlée à cette sale histoire, mais alors pas du tout du tout...
La maison de Pierre-Alex est une superbe création de @Vanderetro empruntée pour cette histoire avec son aimable autorisation. Certains d'entre vous avaient déjà pu en avoir un aperçu dans l'acte V, dernière scène de la pièce de William J'expire. C'est la •Modern Cozy Home NoCC• que vous pouvez visiter dans son studio.
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