Olivier se remet doucement du décès de sa mère en se donnant des paroles d’encouragement devant le miroir de sa chambre. Je l’entends encore pleurer lorsqu’il se croit seul, mais cela se produit de moins un moins souvent.

Claire, passe de plus en plus de temps dans la serre pour s’occuper des plantes. Elle en prend grand soin et je m’émerveille chaque fois de sa délicatesse envers mes fleurs si fragiles. Bien que j’aimerais qu’elle devienne botaniste indépendant comme moi, elle est davantage passionnée par la création de boissons. Elle m’a dit qu’elle rêvait d’être une grande mixologue.

Clémence, elle, s’est lancé dans un travail d’appoint, le même genre de travail que faisait Papa en son temps. Elle a commencé par résoudre les problèmes informatiques de particuliers et est maintenant sollicitée par de petites entreprises pour y travailler en tant que consultant. Ses compétences en programmation lui sont d’une grande aide. Le seul inconvénient est qu’elle passe beaucoup de temps devant son ordinateur et que nous nous avons de plus en plus de mal à nous retrouver. Elle me dit vouloir préparer sa retraite étant donné que moi, je n’en aurai pas. Pourtant, le jardin est devenu une source de revenus plutôt confortable. C’était le rêve de Mamie Perrine et Je l’ai fait.

Quant à moi, j’aime passer du temps avec ma famille mais aussi avec mes amis. Ce jour-là, j’ai invité Max et Bérénice.
- J’ai fait un tour dans la serre, Maxime. Tes plantes sont magnifiques ! me complimenta Bérénice

- Certaines sont vraiment rares. Comment fais-tu ?
- Elles sont le fruit d’un dur et long labeur depuis trois générations.
- C’est vrai, chérie. Certaines de ces plantes viennent même de la grand-mère de Maxime. Sa mère m’en avait parlé une fois avec beaucoup d’émotion.

Je repensai avec émotion à ce jour que Max venait de mentionner :
- Oui, je me souviens. Tu en avais ras-le-bol et tu levais les yeux au ciel pour qu’elle finisse son discours !
- Nous étions des enfants, inconscients de ce qui est important dans la vie. Mais la preuve est que je m’en rappelle encore aujourd’hui.

- Et tes enfants ? Ils ont la même passion que toi ? me demanda Bérénice
- Claire l’a. Elle m’aide énormément au jardin. J’espère qu’elle pérennisera la tradition. Elle est merveilleuse. Elle aide aussi beaucoup Clémence aux tâches ménagères et elle adore faire la cuisine.
- Tout comme Rose. N’est-ce pas ma chérie ?

- C’est vrai. Par contre, Quentin se laisse vivre ! Non seulement il n’aide pas, mais en plus, il laisse ses affaires trainer par tout ! Il me rend folle.
- Stop ma puce. Ce n’est pas à un garçon de s’occuper de certaines choses !
Apparemment, Quentin était un sujet de désaccord entre ses parents.

Je décidai de ne pas m’en mêler, mais posai tout de même une petite question à Max :
- Crois-tu que ce soit vraiment lui rendre service ? S’il se retrouve seul, comment se débrouillera-t-il ?
- Il ne sera pas seul. Il aura une femme.

Bérénice n’était vraiment pas contente :
- Il aura une boniche tu veux dire !
- Et s’il n’a pas de femme ? me hasardai-je
- Il en aura une !

- Ça, tu n’en sais rien ! lui dit Bérénice
- Si je le sais ! Je parle beaucoup avec Quentin et toutes les gamines de l’école primaire sont déjà folles de lui !

Y compris Michèle, pensé-je. Et je n’aimerais pas qu’elle ait plus tard un mari éduqué de la sorte.
- Alors, s’il a des prétendantes à l’école primaire, tout va bien ! continua Bérénice en se moquant de son mari.
- Ne sois pas sarcastique s’il te plait !

Je demandai gentiment à mes amis de cesser de se disputer.
- Ne t’en fais pas. On se prend souvent de bec sur ce sujet-là mais on s’aime fort ! me rassura Max.

Max et Bérénice partirent peu de temps après et je n’en étais pas mécontent. J’adore mon ami Max mais je déteste le voir se chamailler avec sa femme surtout quand je suis de son avis, à elle...

Cet après-midi-là, en rentrant de l’école… Olivier et Claire se chamaillèrent.
- C’était qui, ce type ? attaqua Olivier en descendant du tramway.
- Personne.

- Comment ça personne ?! C’est quoi son nom ?
- Et en quoi ça te regarde ? Fous-moi la paix !
« Hou la ! ça chauffe ! », pensa Michèle.

- En quoi ça me regarde ? Je suis ton grand frère alors ça me regarde !
- Mêle-toi de tes affaires ! Tu en as assez fait pour aujourd’hui !

- Assez fait ? Ce pauvre type allait mettre la main sous ta robe !
- Je me défendais très bien toute seule avant que tu n’interviennes !

Michèle s’éloigna. La conversation était trop bizarre pour elle.
- Tiens ! Une pichenette ! Pour t’apprendre à mentir ainsi !

- Quoi ! Ne refais plus jamais ça Olivier ! Jamais !
- Je peux recommencer pourtant !

Michèle était toute contente de voir que Charles était là. Elle allait pouvoir lui raconter ce qu’elle avait entendu !

Cette fois, Olivier et Claire pouffèrent de rire :
- Haha ha ! Tu aurais vu ta tête !
- Faut dire que tu exagères quand même !

- Bonjour les enfants !
J’arrivai au moment où Claire mettait quand même son frère en garde :
- Mais tu n’as quand même pas intérêt à recommencer !

Le ton de ma fille m’alerta un peu et je m’avançai pour leur demander ce qui se passait.
- Il se passe qu’un type a essayé de soulever la robe de Claire ! Heureusement qu’elle avait un legging sinon je n’aurais pas donné cher de sa vertu !

Je n’en croyais pas mes oreilles !
- Papa, ne l’écoute pas. Je me défendais très bien toute seule avant que Monsieur Olivier n’intervienne !

Olivier reprit plus calmement :
- Ce n’est pas vrai mais tu ne l’admets pas. C’est moi qui l’ai fait fuir.
Je hasardai une petite question :
- Claire… Tu ne serais pas un peu à cran à cause d’un certain rendez-vous que tu as tout à l’heure avec ta mère ?

Claire repartit au quart de tour sur un ton de reproche :
- Papa ! Je ne voulais pas que tout le monde soit au courant !

- Je ne suis pas tout le monde… Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ? On a fait ensemble tout le trajet en tram depuis le lycée...
- Je ne sais pas moi… Peut-être que tu étais trop énervé à cause de ce pauvre type…

Olivier était remonté et souhaitait, plus que tout, protéger sa petite sœur.
- Alors c’est décidé, on y va tous ! Tu ne seras pas seule. Je vais prévenir Charles !
J’étais complètement d’accord. Nous irions tous, ou elle n’irait pas. Claire était émue :
- Merci... Je ne sais pas quoi dire.

Olivier, Charles et moi avons donc accompagné Claire au Parc de Magnolia Blossom où elle avait rendez-vous avec sa mère. Et nous avons bien fait car elle n’était pas seule. Alan était là lui aussi. Claire, qui n’aurait probablement rien dit si nous n’avions pas été présents, se sentait pousser des ailes.
- Maman, si tu veux discuter avec moi, dis à ton amoureux de Lord de partir. Autrement, c’est moi qui m’en vais.

Alan partit, et Claire et Stéphanie se sont assises à l’écart pour discuter.

Je décidai malgré tout de ne pas rester trop loin au cas où la discussion se passerait mal.

- Comment ça va au lycée ma chérie ?
- Très bien. C’est pour ça que tu m’as fait venir ici ? Pour savoir comment ça va au lycée ?
Ma fille n’avait pas l’air de vouloir se montrer très coopérative.

- Pas que pour ça. Mais ta vie m’intéresse.
- Première nouvelle ! Je ne l’avais pas remarqué.

- Tu es injuste. Tu le sais, n’est-ce pas ? J’aimerais que tu reviennes à la maison. Je t’en ai déjà parlé à ton anniversaire.
- La maison, comme tu dis, MA maison, ce n’est pas chez toi. C’est avec Papa ! Je ne veux pas retourner au Manoir. Et surtout pas avec Alan !

- Mais tu y étais bien pourtant !
- Non, Maman. Je n’y ai jamais été heureuse. J’y ai pleuré, j’y ai tremblé, j’y ai été frappée et tu as fermé les yeux ! Mon bonheur, il est avec Papa !

- Comment oses-tu dire ça ? Je t’aime, moi !
- Tu plaisantes ?! Tu m’aimes seulement parce que j’ai grandi et que je ne suis plus une petite fille qui est un fardeau dont il faut s’occuper. Tu m’aimes parce que tu vieillis et que, finalement, tu sais que je suis ta seule famille, celle de ton sang. Mais m’aimer vraiment ? sans condition ? Non tu ne m’aimes pas !

- Comme à ton habitude, tu ne mesures pas tes paroles !
- Et que connais-tu de mes habitudes, dis-moi ?

Stéphanie s’éloigna soudain :
- Je reviens tout de suite, ma chérie !

Claire souffla un grand coup :
- Zeeeeeennn !

- J’ai l’impression que ça ne se passe pas très bien… nous dit Charles
J’avais le même sentiment :
- Je vous laisse, les garçons. Je vais voir votre sœur.

- Papa !
Claire me serra contre elle. Son petit corps tremblait.

- Elle veut que je revienne vivre au Manoir ! Non mais quel toupet !

- Et qu’as-tu dit ?
- J’ai dit non, Papa ! Evidemment ! Je ne veux pas retourner là-bas !

- Tu n’y es pas obligée de toute façon. Rassures-toi.

Stéphanie avait surgi derrière nous (de retour des toilettes)
- Ça c’est ce qu’on verra. Si j’en appelle à la justice, vous n’aurez pas votre mot à dire tous les deux !

- Manquait plus que ça ! se désespéra Claire.
Je souriais jaune et essayais de rester calme, mais mon sang n’avait fait qu’un tour :
- Ne joue surtout pas à cela avec moi Stéphanie ! la prévins-je.
- Elle est mineure ! Ce n’est pas à elle de décider !

- Alan connaît beaucoup de monde, ajouta-t-elle. On en reparlera. Sur ce, à la revoyure, Maxime !
- Je n’arrive pas à y croire, Papa...
- Ne t’en fais pas ma chérie, tout va bien se passer... répondis-je à ma pauvre fille en détresse.

Lorsque nous sommes rentrés à la maison, Michèle était devant la télévision.
- Elle en a bien de la chance d’être aussi insouciante, l’envia Claire.

Olivier allait de mieux en mieux mais il accusait encore quelques coups de blues. Il allait régulièrement faire ses devoirs avec Claire, dans la chambre des filles, délaissant son propre bureau.
- Charles et moi n’en avons pas cru nos oreilles !
- Et moi donc !

- Pourquoi ne l’appellerais-tu pas pour essayer de la raisonner ?
- On ne raisonne pas Lady Stéphanie Aiellaud ! Lorsqu’elle veut quelque chose, elle se débrouille pour l’obtenir. Et là, elle me veut chez elle. C’est tout !

- Je ne sais pas, moi. Dis-lui que tu l’aimes. C’est une mère. Ça devrait la calmer !
- Mais elle n’est pas une mère pour moi ! C’est Clémence, ma mère ! Elle, je ne l’aime pas !

Olivier essuya quelques larmes, laissant Claire complètement désarmée face à ce chagrin soudain dont elle se sentait responsable :
- Moi j’aimais tellement ma mère. Elle était si douce et si aimante. Elle s’est saignée aux quatre veines pour moi.

- Elle ne m’aurait jamais fait une chose pareille !
- Oh Olivier… Je suis tellement désolée. Je n’aurais jamais dû dire cela...

Mon fils aîné se ressaisit :
- Si, au contraire. Cela me fait réaliser combien j’ai eu de la chance d’avoir une maman comme elle.
- Moi aussi j’ai de la chance d’avoir Clémence. Cela fait déjà une dizaine d’années qu’elle s’occupe de moi et c’est une maman formidable !
- Tu as raison. C’est une femme merveilleuse.

- Et ne t’en fais pas trop. Je suis persuadé que tu ne retourneras pas au manoir.

- Papa va y veiller, j’en suis sûr, ajouta-t-il en prenant sa sœur contre lui.

[..]
Chaque matin du week-end, le samedi et le dimanche, Claire s’employait à nous préparer le petit déjeuner.

Nous attendions tous ce moment avec impatience. Les bonnes odeurs provenant de la cuisine suffisaient à nous faire lever. J’adorais ses œufs brouillés mais ce matin-là, c’est le parfum des toasts qui me tira du lit.

Olivier et Michèle étaient toujours levés les premiers et discutaient de choses et d’autres pendant que Claire officiait.

- Bonjour les enfants ! Bien dormi ?
- Salut P’pa !

Contrairement à moi, Clémence, prenait toujours le temps de passer sous la douche avant de nous rejoindre dans la cuisine. Elle y arrivait, comme à son habitude, fraîche, pimpante et souriante, juste au moment où Claire mettait le petit déjeuner sur la table.
- Allez ! Servez-vous pendant que c’est chaud. Ce matin, c’est toasts grillés et petits œufs au plat.

- C’est succulent, comme d’habitude. Merci Claire, claironna Olivier.
- C’est bien vrai. Je me régale. Et grâce à toi, je peux dormir le week-end, remercia Clémence à son tour.

Ces matins-là me mettaient en joie car c’étaient les seuls matins où nous étions tous réunis autour de la table.

Nous nous racontions toutes les choses que nous avions « oubliées » de nous dire durant la semaine parce que le rythme était beaucoup contraignant.

Il ne s’agissait pas de choses importantes, car celles-là, nous nous les étions déjà dites, mais il s’agissait simplement de petites choses relatant de petits évènement de la vie de chacun, et que nous avions tous plaisir à entendre car nous nous intéressions les uns aux autres.

Qu’est-ce que j’aimais partager tous ces moments emprunts de simplicité avec ma famille. La fin de semaine était le moment de la semaine que je préférais.

Ce matin-là, Olivier avait vite quitté la table pour être le premier à investir la salle de bain mais Michèle y était arrivée avant lui.
- Où est Olivier ? avait demandé Clémence.
Michèle, en arrivant dans la cuisine, avait alors répondu à sa mère :
- Dans la salle de bain. Il arrive. Il se brosse les dents. Une fois de plus il n’a pas frappé avant d’entrer ! Heureusement que je n’étais pas toute nue !
- Ferme ta porte à clé. Comme ça, tu éviteras ce genre de désagrément. Moi, c’est ce que je fais depuis qu’il est là, lui conseilla Claire.

Olivier était ensuite revenu et avait entendu le petit débat concernant son manque de pudeur :
- Que d’histoires pour pas grand-chose ! Vous êtes mes sœurs ! Où est le problème ! s’était-il défendu.
- Ce sont aussi des filles. Elles ont leur pudeur, tentai-je de lui expliquer.
- Il s’en fout ! Lui, il n’est pas pudique, railla Claire. Tout le monde l’a bien vu dans cette maison !
- Oh oui ! ajouta Michèle.

En entendant cela, je m’alarmai tout de même auprès d’Olivier :
- Fais attention tout de même ! Michèle est encore petite !
- Ne t’en fais pas Papa. J’ai l’habitude maintenant ! tenta de me rassurer ma plus jeune fille.

Tout de même ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Michèle disait que tout cela la faisait bien rigoler mais je demandai fermement à Olivier de ne pas prendre à la légère ce que je venais de lui dire.

- Excuse-moi Papa, me répondit mon fils. J’ai eu l’habitude comme ça avec Maman. Quand je sortais de la douche, je ne mettais jamais de peignoir. Je ferai plus attention, c’est promis.
- J’y compte bien.
Claire éclata de rire :
- Haha ! Oui ! Alors là, je demande à voir (ou ne pas voir d’ailleurs) !
- Nous verrons bien, laisse-lui le bénéfice du doute, lui dit Clémence qui ne demandait qu’à rigoler elle aussi.

J’aimais ces week-ends car nous passions beaucoup de temps en famille mais nous avions aussi nos activités propres.

